Alfonso Nsangu est le fondateur des Gospel Kids, ensemble vocal qu’il crée en Alsace (France) en 2004, épaulé par son épouse Flora. Le groupe, longtemps encouragé par le pasteur Frédéric Setodzo (1961-2022), est basé dans le quartier de Hautepierre, au Centre communautaire protestant Martin Bucer. Il a acquis une grande notoriété (1), jusqu’aux plateaux TV de Michel Drucker (2). Les choristes sont issus des différents quartiers de la Communauté Urbaine de Strasbourg : Hautepierre, Elsau, Cronenbourg, Quartiers des XV, Robertsau, et les villes d’Illkirch et de Schiltigheim.
Le répertoire, qui n’est pas exclusivement spirituel, s’articule autour du Gospel états-unien, mais aussi de chants africains ainsi que de compositions en français. Pour son rayonnement remarquable dans les cités sensibles de Strasbourg, et jusqu’aux vastes horizons de la francophonie (Togo, Congo), cette chorale interculturelle d’enfants conduite par Alfonso Nsangu a reçu il y a quelques années le prix de la fondation de France. A l’occasion de ses vingt ans, retour sur son parcours. Ces cinq questions ont été posées à Alfonso Nsangu par Caroline Baki, que nous remercions.
Alfonso Nsangu, pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Alfonso Nsangu, je suis né en Angola en 1983, je suis arrivé en France en 1989 avec mes frères et sœurs. Aujourd’hui, je suis maître de chœur des Gospel Kids, en Alsace, groupe musical qui rassemble plusieurs centaines d’enfants. Vivre de sa passion, je le souhaite à tout le monde. Je trouve que l’Alsace, pour ça, c’est exceptionnel. Quand on est passionné, quand on veut faire les choses, cette région nous pousse à continuer. Nous sommes par ailleurs subventionnés par la ville de Strasbourg et par la région, ce qui me permet notamment d’être rémunéré à plein temps pour faire chanter les enfants.
Les Gospel Kids sont implantés dans le quartier de Hautepierre. Quelles sont les relations avec le quartier, les familles ?
Le groupe est basé à Hautepierre, le quartier où j’habitais en 1999. A cette époque, j’ai découvert à la télévision un film qui s’appelait SISTER ACT 2. J’ai réalisé que chanter et transmettre le Gospel était quelque chose qui était fait pour moi. Puis j’ai appris qu’il existait une chorale de Gospel à Hautepierre. Je l’ai intégré en tant que chanteur, j’y ai découvert des amis avec lesquels nous avons fait de nombreux concerts en Alsace. C’est ainsi qu’est né mon amour pour le Gospel.
Un jour, quelqu’un m’a contacté au sujet d’une école qui souhaitait proposer du Gospel. J’ai intégré cette école, commencé à faire chanter les enfants, et il s’est passé quelque chose : les enfants sont tout de suite devenus mes amis. J’ai développé un lien très particulier avec eux. Ce plaisir partagé de chanter est à la source des Gospels Kids, d’abord de manière informelle, en 2003, et ensuite officiellement en 2004, après répétitions et premiers concerts.
La mixité comme mot d’ordre et le plaisir de transmettre
Nous ne sommes pas présents qu’à Hautepierre. Nous avons grandi bien au-delà de ce quartier. Hautepierre, c’est là où tout a démarré pour les Gospel Kids, mais ensuite, nous avons touché d’autres lieux. Pouvoir mélanger les enfants de différentes religions, différentes nationalités, c’est important. C’est pourquoi nous sommes allés dans plusieurs quartiers, pour faire chanter les enfants, et leur permettre de se retrouver grâce à des stages et des concerts. La mixité est notre mot d’ordre.
Pourquoi continuez-vous à chanter du Gospel ? Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
J’aime chanter, c’est un grand plaisir pour moi ! La chance que j’ai, c’est peut-être de chanter juste, et d’avoir cette capacité à transmettre des chants aux enfants, mais je ne prends pas forcément plaisir à chanter tout seul parce que je n’ai pas été appelé à cela. Je suis vraiment quelqu’un qui aime transmettre le chant. Le plaisir collectif de chanter passe avant le chant solo.
Les Gospel Kids fêtent leurs 20 ans cette année 2024. « On n’a pas tous les jours vingt ans ! » Quels sont, d’après vous, les principaux temps forts de l’histoire des Gospel Kids ?
Quand je regarde ces vingt ans, je dirais que le moment peut-être le plus fort c’est le tout premier concert qu’on a fait en 2004 au Pavillon Joséphine. C’était le premier grand concert, une expérience assez exceptionnelle. Un deuxième temps fort, c’est au Stade de France pour le match France-Maroc (en 2007, ndlr). Il y avait 80 000 personnes, on était au milieu de ce stade et on a chanté ! C’était vraiment l’événement qui a fait connaître les Gospel Kids. Plus tard, un autre moment marquant fut quand on a chanté au Palais des congrès en 2009. On a fait un spectacle qui s’appelait « Rêve d’Afrique », il y avait 320 enfants sur scène ! Cela a été d’ailleurs le record, on n’a jamais fait au-delà. Au niveau sécurité, c’était un défi considérable. Ce sont les trois plus gros souvenirs pour moi. Mais c’est dur de faire le tri, car des temps forts, nous en avons eu beaucoup ! Quand je vois les vingt ans parcourus, pour moi, ce n’est pas un aboutissement, mais plutôt la fin du début.
L’aventure continue au-delà des frontières
Après ces vingt ans, c’est une autre aventure qui commence, avec un renouvellement des générations, mais aussi l’appui des enfants qui ont chanté au début, qui sont devenus adultes, et qui font maintenant partie de Génération Gospel Kids, groupe que nous avons créé en 2019.
Le Gospel est populaire en France mais aussi en francophonie. Quels liens entretiennent les Gospel Kids avec l’espace francophone ? Que veut dire la francophonie pour vous ?
La francophonie ? Pour moi, cela passe aujourd’hui par les réseaux sociaux. Grâce à ces réseaux, on a pu faire connaître les Gospel Kids. Et tout cela circule en francophonie. On a une chorale en Belgique qui chante toutes nos chansons, on a une chorale qui s’appelle les Gospel Kids Togo, et une chorale qui s’appelle Gospel Kids Congo, en lien avec des projets humanitaires que je réalise avec le Congo et le Togo. Il y a même une école là-bas qui a des tee-shirt Gospel Kids. J’irai là-bas encore cette année pour cultiver le lien entre les Gospel Kids Congo et les Gospel Kids de France. En France aussi, ça circule. Il y a un groupe qui s’appelle Hopen (3), qui est assez connu dans le monde chrétien. Hopen a sollicité les Gospel Kids pour chanter avec eux, ainsi que Louis Bertignac, qui nous a contactés pour pouvoir chanter sur son album. Ce sont des événements comme ça qui font encore plus connaître les Gospel Kids, au-delà des frontières !
(1) Claude Keifflin et Alfonso Nsangu, Alfonso et les Gospel Kids, Paris, éditions du Signe, 2011 (192p).
(2) « Quand les Gospel Kids vont chez Drucker », Sébastien Fath, Gospel et francophonie, une alliance sans frontières, Tharaux, ed. Empreinte Temps présent, 2016, p.176.
(3) Hopen est un groupe de pop louange catholique fondé en 2013.