Autrefois, il arrivait que pour dire : « je vais au culte », on disait : « je vais au prêche ». Cette expression met l’accent sur le caractère central de la prédication dans le culte. Le mot messe étymologiquement vient du verbe envoyer, pourtant dans l’Église catholique, il désigne l’eucharistie. Une messe sans eucharistie n’est pas une vraie messe. Certes elle contient une homélie, mais le commentaire d’évangile reste souvent secondaire. Dans le protestantisme, c’est l’inverse, ce qui fait le culte, c’est la prédication, et la cène est secondaire.
Que pouvons-nous dire sur Dieu ?
Que mettons-nous derrière le mot Dieu ? L’attitude naturelle consiste à se construire une image de Dieu à partir de notre humanité. Nous partons de l’humain et nous considérons tout ce qui est limité en lui : l’humain est petit, il ne sait pas tout, il ne peut pas tout, il est contradictoire et il est mortel. Cette description permet de laisser apparaître en négatif le portrait d’un Dieu grand, qui sait tout, qui peut tout, qui est un et qui est immortel. Nous nous forgeons une compréhension préétablie de Dieu et nous plaquons sur ce portrait l’image du Dieu de l’évangile, ce qui est le plus sûr moyen de passer à côté du message des Écritures.
Réfléchissons cinq minutes. Si Dieu est, il est le créateur du temps et de l’espace. La création du monde date de milliards d’années, chiffre que nous sommes incapables d’appréhender ; et l’univers se mesure en milliards d’années-lumière, distance que nous sommes encore moins capables de nous imaginer. Les œuvres de Dieu ont des dimensions qui dépassent notre imagination et nous aurions la prétention, par notre intelligence, de dire quelque chose à son sujet ? Pouvez-vous imaginer une fourmi discuter avec Einstein sur la théorie de la relativité ? La distance qui nous sépare de Dieu est des milliards de fois plus importante que la distance qui sépare une fourmi du plus grand des savants humains. Et vous voulez qu’on dise quelque chose de pertinent sur Dieu !!!
Si nous ne pouvons rien dire sur Dieu à partir de notre humanité, nous sommes invités à renoncer à toutes les idées préconçues que nous avons à son sujet pour nous mettre à l’écoute de ce que Dieu a dit de lui-même. Le fondement de la foi protestante consiste à croire que le moyen que Dieu nous a laissé pour que nous le connaissions est la Bible. La Bible ne dit pas tout sur Dieu mais elle dit tout ce que nous avons besoin de savoir à son sujet, et cela nous suffit. En dehors de la Bible, tout ce que nous pouvons dire sur Dieu tient de la spéculation de la fourmi.
Cela ne veut pas dire que d’autres événements ne peuvent pas nous parler. Devant la beauté de la création, la naissance d’un enfant ou une guérison inespérée, nous pouvons voir des signes que Dieu nous adresse mais si nous pouvons interpréter ces événements comme des signes de Dieu, ce n’est que parce que la Bible nous dit que Dieu est créateur et qu’il est le Dieu de la vie et de la grâce.
Cette réflexion nous aide à comprendre la nécessité de la lecture de la Bible dès qu’on s’intéresse un tant soit peu à la foi. En dehors de la Bible, nous sommes devant le Dieu des fourmis, c’est-à-dire celui de notre imagination. La première tâche du prédicateur est de proclamer, d’expliquer, d’interpréter, d’enseigner la Bible.
Que dire dans la prédication ?
Luther a écrit : « Laissez agir Dieu et sa Parole. Les cœurs des hommes ne sont point en mon pouvoir. Je ne les ai pas en mains pour les manier à mon caprice. Je vais jusqu’à l’oreille. Pas plus loin. Le cœur échappe à mon emprise. Ne pouvant y verser la foi, je n’ai nul droit de forcer et de contraindre. Dieu seul, en se donnant au cœur, peut lui donner vie. Annonçons donc la Parole et abandonnons l’issue à Dieu. Regardez ce qui m’est arrivé… je n’ai fait que proclamer, prêcher, écrire la Parole de Dieu et rien d’autre. Et, tandis que je dormais ou que je buvais de la bière à Wittemberg avec Philippe et Amsdorf, la Parole agissait… Je n’ai rien fait. La Parole seule a agi. » Le réformateur était un travailleur acharné, il a surtout été un prédicateur infatigable : nous avons à peu près deux mille sermons de sa main, sans compter ceux qui ont été perdus. Et la prédication n’était pas la seule partie de son œuvre ! Luther pourrait être fier de ses œuvres et penser que la Réforme est un fruit de son travail, pourtant il laisse toute la gloire à Dieu en prétendant que c’est pendant qu’il buvait de la bière avec ses amis que la parole a fait son œuvre. Cette citation dégage les deux principales responsabilités du pasteur : prêcher et boire de la bière ! Ou plus sérieusement, prêcher et avoir suffisamment de foi pour croire que la parole fait son œuvre dans le cœur de son Église.
Une fois l’importance de la prédication soulignée, il convient d’en définir le contenu car il ne suffit pas de répéter la Bible, il faut encore l’interpréter, l’expliquer et actualiser son message.
La Bible est un livre plutôt épais. Elle a été rédigée sur plusieurs siècles dans des styles très différents. Si nous voulons résumer son message, nous le ferons à partir de la prédication de Jésus : Le règne de Dieu s’est approché, convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle (Mc 1.15). Cette phrase contient deux affirmations :
- En Jésus-Christ, Dieu s’est fait proche et il est grâce.
- Je suis invité à me convertir, à changer de vie.
Une prédication est alors la lecture d’un récit biblique qui cherche à actualiser le récit à partir de la miséricorde de Dieu et de sa justice : Quelle parole de grâce vais-je trouver dans un récit et à quelle conversion m’appelle-t-il ?
Une fois ces messages relevés, tout le reste n’est qu’une question de mise en forme pour partager cette annonce de la façon la plus pédagogique. Il est triste de constater que la prédication, qui devrait être un grand moment puisqu’elle annonce l’amour de Dieu, soit si souvent ennuyeuse. C’est pourquoi il nous appartient d’utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition pour dire la parole : l’explication mais aussi la narration, la parabole, le théâtre ou tous les moyens de communication qui sont à notre disposition.