• Le matin, quand on se lève, on se dit : bon jour !
  • A midi, lorsqu’on se met à table, on dit : bon appétit
  • Le soir, avant d’aller se coucher, on se souhaite : bonne nuit !
  • À tout moment, lorsque l’homme ouvre l’Évangile, Dieu lui dit : bonne nouvelle !
  • Au commencement de la semaine, en arrivant au culte, Dieu nous dit : bonne venue ! C’est bien que tu sois venu. Tu es venu pour quelque chose de bien.

La grâce est première

La première parole du culte est une attestation de la grâce : « La grâce nous est donnée de la part de Dieu notre père, de son fils Jésus le Christ, dans la communion du saint Esprit. »

Cette ouverture est une façon de proclamer que la grâce est au commencement de tout.

Parfois, en arrivant au culte, nous nous demandons où est Dieu, s’il va être là ce matin ? La réponse est toujours positive car nous croyons qu’il nous précède. Le seul qui risque de ne pas être là, c’est moi.

Au lieu d’invoquer la présence de Dieu comme le font certaines liturgies en disant : « Seigneur, sois au milieu de nous ! », nous ferions mieux de dire : « Seigneur, tu es au milieu de nous, apprends-nous à être là où tu te tiens ! Merci de cette heure à part de notre vie. Fais-en une heure de paix, de recueillement, d’attention, de lumière. Une heure où, par ton Esprit, nous apprenions à vivre dans la communion de Jésus, le Christ. »

Dans l’évangile, Jésus dit : Venez à moi, vous qui êtes chargés et fatigués (Mt 11.28), il ne dit pas : Quand vous êtes chargés, appelez-moi et je vous trouverai. Parce que la grâce est là, nous pouvons déposer nos fardeaux et nos soucis. La grâce est le contraire du fardeau, Simone Weil a dit à son sujet qu’elle est une légèreté qui nous permet de marcher sur les eaux.

N’ayons donc aucune hésitation à déposer notre fardeau et notre souci, à les laisser là, sans crainte. Le seul risque que nous prenons… est de ne plus les retrouver à la sortie !

Si la grâce est donnée, sa proclamation inscrit le culte dans le registre de la gratuité. Ce qui est gratuit est inutile mais, de nos jours, qu’y a-t-il de plus précieux, de plus nécessaire, que l’inutilité ? N’est-ce pas une grâce incroyable que de pouvoir passer une bonne heure, le dimanche matin, à nous inscrire dans la gratuité ? Plus nous sommes soumis à la dictature des calendriers et à l’oppression du rendement, plus nous avons besoin de ces temps où nous n’avons rien d’autre à faire qu’à nous asseoir, pour écouter, faire silence, méditer, ouvrir les mains… juste pour entendre cette simple parole : « La grâce est avec toi ! »

L’exemple de Jacob

Prenons l’exemple du rêve de Jacob, alors qu’il fuit la colère de son frère dont il a usurpé le droit d’aînesse. Le soir venu, il se couche la tête sur une pierre en guise d’oreiller. Dans un rêve, il voit des anges qui montent et descendent une échelle et la voix de Dieu qui lui dit : Je suis moi-même avec toi, je te garderai partout où tu iras… je ne t’abandonnerai pas. Jacob se réveille et s’écrie : L’Éternel est présent dans cet endroit et je ne le savais pas !… Que cet endroit est redoutable ! Ce n’est rien moins que la maison de Dieu (Gn 28.15-17).

Parce que l’Éternel dit la grâce à Jacob, ce dernier comprend qu’il est dans la maison de Dieu et il trouve cette constatation redoutable. Au passage, nous pouvons remarquer que ce qui fait la maison de Dieu, ce n’est pas le lieu mais la parole. Jacob dort à la belle étoile mais il est dans la maison de Dieu car il a entendu une parole de bénédiction sur son histoire.

Mon étonnement quand j’assiste à un culte, c’est que, jusqu’à maintenant, lorsque j’ai entendu la proclamation : « la grâce de Dieu est avec vous », je n’ai encore vu personne être terrassé, je n’ai vu personne trouver que cet endroit était redoutable parce que Dieu était présent.

Trop souvent, nous sommes des enfants gâtés de la grâce, elle ne nous étonne plus, elle ne nous fait plus vibrer.

Le poids de nos mots

À combien de personnes avez-nous dit : bon jour ce matin ? Sur ces x bonjours, combien étaient sincères, combien avons-nous pensé en regardant notre interlocuteur : « Vraiment je souhaite et je prie pour que ta journée soit belle ! » Inversons la question : combien de personnes nous ont souhaité une bonne journée ? Dix, quinze ? Avons-nous conscience que dix personnes souhaitent et prient pour que notre journée soit belle ? Si tel était le cas, l’amour, le désir de ces personnes devrait être suffisants pour illuminer notre journée et en faire un vrai bon jour.

Cessons d’être des incrédules ! Lorsque la grâce est proclamée, nous sommes dans la maison de Dieu. Il est présent au milieu de nous et il nous donne sa paix. Prenons au sérieux cette affirmation, elle sera capable d’illuminer notre journée et notre semaine.

La grâce est un don, un cadeau. En faisant don de sa grâce, Dieu nous dit que nous sommes importants pour lui. Le Baal Shem Tov, le fondateur du hassidisme, a dit : « Que chacun sache et prenne en considération que par sa nature, il est unique au monde et qu’aucune personne identique à lui n’a jamais vécu, car si une personne identique avait déjà vécu avant lui, il n’aurait pas besoin d’être. » Accueillir la grâce sur notre journée, c’est entendre que notre vie est unique et… que nous pouvons être. Notre vie n’est pas une bulle de hasard ballottée dans un océan de nécessité, elle est le fruit du désir de Dieu qui nous a créés tels que nous sommes et qui nous appelle à la vie. Nous n’avons pas besoin de justifier – ni de mériter – notre existence sur terre, notre vie a du poids, de l’importance pour Dieu… même lorsqu’elle nous paraît dérisoire.

À la limite, le culte pourrait se terminer après l’ouverture : « La grâce et la paix sont avec vous ! »
L’essentiel est dit… tout le reste est commentaire.