Les temples sortis de terre il y a moins de cent ans ne sont pas pléthores. La première pierre de celui de Mâcon a été posée en 1963 par le pasteur Boegner, président de la Fédération protestante et défenseur des juifs auprès du Maréchal Pétain. Il a été inauguré quatre ans plus tard. Logiquement, ceux qui peuvent se vanter d’avoir le label « Architecture contemporaine remarquable » sont encore moins nombreux. L’édifice mâconnais a officiellement reçu le sien le 4 octobre dernier. Créé par le ministère de la Culture, il reconnaît et protège les édifices contemporains de moins de 100 ans. « L’Église de Mâcon s’est prise en main en valorisant son patrimoine et elle le fait savoir », commente Pierre Emmanuel Guibal. Le pasteur régional « Solidarité » de la région Centre-Alpes Rhône est fier des efforts accomplis.

Tout a commencé « à l’issue d’un culte dominical. Jean Nimmegeers, mon prédécesseur, m’a dit : ‘Ce serait bien que notre temple soit labellisé, il le mérite ! », a rappelé Hervé Reynaud, président du conseil presbytéral de président de l’Église protestante unie, le jour de la remise du label. L’idée a vite cheminé dans son esprit. Également élu en charge de la culture à la ville et conseiller départemental délégué à la culture et au patrimoine, ce dernier est rodé au montage de dossiers. Alors, après s’être renseigné et avoir eu confirmation que le temple protestant de Mâcon avait toutes les chances de décrocher le label, il a engagé les démarches.

Bien lui en a pris. La Direction régionale des affaires culturelles (Drac) a qualifié le temple imaginé par les architectes suisses Oskar et Fernande Bitterli, en collaboration avec le Mâconnais Barnabé Augros, d’« œuvre d’art totale mêlant l’agencement de la volumétrie et du mobilier jusqu’au moindre détail ». Elle estime considère également le lieu de culte comme étant « un élément fondateur d’une nouvelle dynamique de quartier ». « Grâce à ses lignes verticales et ses plans inclinés », le temple respecte par ailleurs l’harmonie des bâtiments environnants. « Tout a été bien pensé. Une fondation suisse qui soutient le protestantisme a aidé à construire le temple et à installer l’orgue. Elle aide encore à son entretien », explique Pierre Emmanuel Guibal.

« Nous ne sommes plus anathèmes »

Doté d’une identité forte, le temple de Mâcon répond également aux canons protestants. « Il est épuré, les lignes sont bien faites et symétriques même le mobilier a été bien pensé », décrit le pasteur. Quant au plan centré du temple, il permet à l’assemblée d’entourer la chair. « Dans l’ecclésiologie et la théologie protestante, l’ensemble des fidèles se retrouve autour de la parole », rappelle le pasteur.

Selon lui, le label « Architecture contemporaine remarquable » offre à la petite communauté protestante l’opportunité d’être reconnue dans la ville de Mâcon dont il faut profiter pour s’ouvrir plus encore. « Le temple est sans pasteur depuis une quinzaine d’années, mais il est vivant », encourage le pasteur régional dont la mission consiste à mettre en marche cette église. « Depuis trois-quatre ans, elle organise des conférences, elle a également organisé un événement autour des femmes dans l’Église, avec la théologienne et bibliste Anne Soupa et l’imame Kahina Bahloul. Ce soir-là, elle a rassemblé 380 personnes », rappelle le ministre du culte enthousiaste.

Mais ce n’est pas tout, le temple est également prêté pour des concerts grand public et à d’autres Églises protestantes. « Les adventistes, une communauté dont les membres sont d’origine africaine, etc. », liste Pierre Emmanuel Guibal. Sans oublier des cultes de la cité. Leur but : présenter la communauté aux élus locaux, aux représentants d’associations, aux autres communautés religieuses. « C’est une façon de s’ouvrir de dire que nous pouvons nous montrer que nous ne sommes plus anathèmes », poursuit le pasteur. Pour lui, c’est sûr : la réflexion sur l’ouverture de la communauté va de pair avec le label et la politique régionale qui veut qu’il y ait de plus en plus de pasteurs consistoriaux. Si cette nouvelle répartition pallie le manque de pasteur, elle permet également de voir l’Église autrement. « Il faut sortir du concept très XIXe siècle qui veut qu’il y ait un pasteur pour un clocher et une paroisse. Ça ne veut plus rien dire aujourd’hui », précise Pierre Emmanuel Guibal. De l’architecture contemporaine à une Église moderne, il n’y a qu’un pas que la communauté mâconnaise est en train de franchir.