A sa fille qui s’apprête à partir en soirée, un père protestant déclare: « Ma fille, je ne vais pas te dire ce que tu dois faire ou ne pas faire. Tu sais ce que tu dois faire… ». Inscrite dans l’ADN protestant au point d’avoir été croquée, dans mon souvenir, par Albert de Pury, la scène prête toujours à sourire. Pourtant, au moment où ce savoir s’estompe, où cette sorte d’évidence des valeurs transmises se voit inquiétée, plus rien ne prête à sourire.

La France s’apprête à faire un choix de valeurs crucial. En son sein, bon nombre de protestants s’inscrivent en résistance face à la droite radicalisée que représente le FN, tandis que d’autres ont cédé aux charmes d’une blondeur duplice. Macron ou Le Pen, à qui le protestant donnera-t-il son vote? Sait-il encore ce qui fonde ses valeurs? J’entends déjà la complainte: « Voilà qu’un pasteur vient faire la morale dans le champ politique au lieu de s’occuper des âmes! Au nom de la laïcité, que chacun reste chez soi ! » Ha! Bienheureuse laïcité qu’on invoque quand ça nous arrange. Or la laïcité, à Genève, je sais ce que c’est, je la revendique haut et clair, et elle est le meilleur outil possible pour garantir la paix convictionnelle, le pluralisme et la liberté d’expression, avec cette nécessaire connivence critique qui veut qu’on reste en dialogue, même avec ceux qui ne pensent ou ne croient pas comme nous – mais en dialogue exigeant et ferme. […]