Premier coup de projecteur
« L’héritage des missions européennes en Afrique est considérable, notamment cette première vague avant 1860, qui a été un focus réalisé par une équipe du quotidien « Le Monde » en partenariat avec la revue « Afrique contemporaine ».
Après 1860, la mission chrétienne d’Europe vers l’Afrique s’est intensifiée et a multiplié les points d’appui. La décolonisation est venue ensuite avec des recompositions considérables à la source de nouveaux christianismes africains. Un chaînon entre l’ère coloniale des églises européennes en Afrique et l’ère postcoloniale, c’est le rôle de certains prédicateurs charismatiques, Reinhard Bonnke et T.L. Osborn étant les plus célèbres. L’évangéliste allemand Reinhard Bonnke n’a pas fait que multiplier les croisades en Afrique sur un mode pentecôtiste et charismatique, il a aussi formé toute une génération de pasteurs africains. Son contemporain américain, T.L. Osborn, s’inscrit dans une ligne similaire, jusqu’au moment où Osborn a reconnu que désormais les prédicateurs charismatiques africains avaient pris le relais.
Aujourd’hui, le temps est fini où les missions européennes évangélisaient l’Afrique. Les églises africaines sont devenues missionnaires. Cet élan missionnaire ne passe pas forcément par la religion organisée, il opère aussi via des individus et familles évangéliques installés en Europe. C’est un renversement historique qui se repère notamment via la transnationalisation d’églises africaines postcoloniales, avec en exemple sur cette infographie la « Church of Pentecost » du Ghana et le « Centre International d’Évangélisation » du Burkina Faso. Les aventuriers du pentecôtisme ghanéen radiographiés par Sandra Fancello dans un ouvrage de référence se retrouvent ainsi en Norvège, par exemple. »
Second coup de projecteur
L’exemple d’un parcours d’évangéliste à fort impact européen est celui de Maman Tumba, une femme apôtre native du Kasaï convertie, est à l’origine de nombreuses vocations. Maman Tumba prônait la foi en action via des séances d’évangélisation où l’intervention miraculeuse et surnaturelle du divin n’est pas optionnelle. Après avoir fait ses armes au Congo-Kinshasa, elle a largement impacté l’Europe. C’est aussi une pionnière du ministère féminin congolais. « Toi, tu vaux plus que dix hommes, » lui aurait dit l’apôtre S.K. Kimbangu, à l’origine des églises de réveil au Congo. Comme on le voit sur cette chronologie,elle n’a à l’origine de nombreuses vocations pastorales. Une constante de son mode d’évangélisation, que l’on retrouve aussi chez beaucoup d’autres, est l’articulation entre enseignement et effets concrets de la foi sur la transformation individuelle.
La chercheuse belge Sarah Demart, dans l’excellente thèse qu’elle a consacrée aux territoires de la délivrance et aux églises revivalistes congolaises, mentionne à de nombreuses reprises l’impact du ministère de Maman Tumba, grande figure des réveils postcoloniaux. »
Troisième et dernier coup de projecteur
« Un regard de synthèse sur les caractéristiques de l’évangélisation africaine en Europe au 21e siècle, en rappelant au passage l’apport du livre collectif « Dieu Change en Ville » paru en 2010. Une première caractéristique est que l’évangélisation opérée est explicite, centrée sur l’offre de salut,. Cet entrepreneuriat prosélyte se réclame très directement de la figure fondatrice de Jésus-Christ, considéré par les chrétiens comme le fils de Dieu. Des opérations comme celle de « Tous pour Christ » en 2022 l’illustrent.
Une seconde caractéristique est la dimension holistique. On s’adresse à l’ensemble des besoins de la personne, avec notamment une attention portée à l’accueil, à la convivialité, à la socialisation communautaire, comme l’a noté avec acuité l’écrivain Michel Houellebecq, qui assista durant plusieurs semaines à des cultes pentecôtistes africains.
« Quand, comment évangéliser ? » Explicite, holistique, l’activité prosélyte est également prophétique. On n’est pas seulement dans l’enseignement, mais dans l’atmosphère de miracle, la connexion avec une surnature agissante et providentielle. Pour autant, au-delà des métaphores, ce prosélytisme vise d’abord à pacifier, guérir, réconcilier et donner espoir. »