Jonathan Cornillon, historien agrégé et maître de conférences à Sorbonne Université, propose une lecture audacieuse et documentée des premiers siècles du christianisme dans son ouvrage Le Partage. Jésus, les premiers chrétiens et l’argent (Éditions du Cerf). Spécialiste de l’Antiquité romaine et du christianisme naissant, il y analyse les textes évangéliques sous l’angle économique et social, en y traquant notamment les stéréotypes de genre et les ambiguïtés sur la propriété.
L’un des points saillants de son travail est la place des femmes dans le ministère de Jésus. Contrairement à une lecture traditionnelle qui cantonne souvent ces femmes à des tâches domestiques ou secondaires, Luc chapitre 8 affirme clairement qu’elles « aidaient Jésus de leurs biens« . Certaines d’entre elles étaient d’ailleurs issues de milieux privilégiés, comme Jeanne, épouse de Chouza, intendant d’Hérode. Ce soutien n’est pas symbolique : il est financier, concret, et structurant dans le fonctionnement du groupe itinérant. Jonathan Cornillon pointe ici un biais fréquent dans l’exégèse : minimiser le rôle économique des femmes, en contradiction avec les textes eux-mêmes.
Cette générosité féminine se retrouve d’ailleurs au moment de l’inhumation de Jésus. Les femmes y sont à nouveau en première ligne, finançant les aromates coûteux pour embaumer son corps, témoignant ainsi de leur rôle actif dans toutes les étapes du récit évangélique.
Mais l’analyse ne s’arrête pas là. Jonathan Cornillon insiste sur un autre enseignement central : l’interdiction de la propriété privée pour les disciples les plus proches de Jésus, les prédicateurs itinérants. Ce n’est pas un détail, mais un principe structurant. La « caisse commune », gérée par les apôtres, doit permettre de vivre sans posséder, tout en redistribuant les dons aux pauvres. Si les sympathisants extérieurs peuvent conserver leurs biens, l’esprit du partage reste au cœur du message. « Posséder, oui, mais pour donner« , résume-t-il en substance.
À travers cette relecture des textes, Jonathan Cornillon révèle un christianisme originel plus radical qu’on ne l’imagine souvent, fondé sur un rapport exigeant à la richesse et à la solidarité, loin des idées reçues.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Jonathan Cornillon
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal Pictures
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