L’évangile du dimanche 18 août
Jean 6.51-58 – Manger le pain, boire le vin
Manger le Christ pour la vie éternelle
Introduction
Ce discours prolonge ce que nous avons vu la semaine dernière. Jésus a une pensée circulaire, il revient sur les mêmes thèmes en les approfondissant.
Le dernier verset de notre séquence nous apprend que le discours sur le pain de vie se teint dans la synagogue de Capharnaüm. C’est dans ce lieu d’enseignement qu’il transmet le message central de l’Évangile : En Christ, le Dieu du ciel et de la terre et entré dans notre humanité jusqu’à se donner, se laisser dévorer pour le salut du monde.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Titre : Le signe de la manne
Dans la Bible, la manne est un signe de libération. Elle est le rappel que Dieu prend soin de son peuple dans son exode et qu’il l’accompagne dans ses marches. Une fois que le peuple est entré en terre promise, le livre de Josué dit que la manne s’est arrêtée (Jos 5.12), lorsque le peuple est passé de l’économie du désert à celle de notre monde.
Jésus évoque ici le retour de la manne, mais il dit que le pain qu’il propose est plus que la manne, puisqu’il n’est pas uniquement une nourriture pour cette vie, mais en vue de la vie éternelle. Le pain du Christ est une nourriture qui nous ouvre à l’éternité de Dieu.
Titre : Le sang dans le Bible
Si vous ne buvez pas mon sang, vous n’avez pas la vie en vous. Le rôle du sang dans la Bible est ambivalent puisqu’il est à la fois source d’impureté et source de salut. Le sang est symbole de mort, c’est pourquoi lorsqu’un humain a été en contact avec le sang, il doit se purifier, mais il est aussi une marque de salut, puisque c’est par le sacrifice animal que l’humain reçoit le pardon de Dieu. L’impureté et le salut sont des signes de mort et de résurrection. La richesse symbolique du sang nous parle de la personne du Christ.
Pistes d’actualisation
1er thème : Une théologie à coup de marteau
Dans le crépuscule des idoles, Nietzsche se proposait de philosopher à coups de marteau pour déconstruire les idoles. En invitant ses interlocuteurs à manger sa chair et boire son sang, on peut considérer que Jésus fait de la théologie à coups de marteau.
Manger la chair, c’est être anthropophage et boire le sang, c’est transgresser un des premiers interdits qu’on trouve dans la Bible. À la sortie de l’arche, Dieu a autorité Noé se nourrir des animaux, mais il a ajouté : « Vous ne mangerez pas de chair avec sa vie, c’est-à-dire avec son sang » (Gn 9.4), sous-entendu parce que la vie ne vous appartient pas. L’interdit de consommer du sang est le fondement des prescriptions alimentaires si importantes pour le judaïsme.
Cette parole de Jésus est parfaitement choquante, et on peut poser l’hypothèse que Jésus l’a prononcée pour provoquer son auditoire afin qu’il entende la radicale nouveauté apportée par l’Évangile.
2e thème : Foi comme demeure
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, comme moi en lui. Tout au long du quatrième évangile, nous trouvons cette idée de la foi comme demeure. L’image est riche, car elle ne parle pas de la foi en termes de croyance, mais d’habitation. La foi n’est pas une idée, c’est une vie : inscrire son existence en Christ et laisser l’évangile habiter nos journées et nos nuits.
Cette idée est encore renforcée par l’image du pain. Le pain n’est pas une idée, c’est un aliment. La foi ne se présente comme une théorie, mais comme une nourriture qui vient renouveler nos journées.
3e thème : Le sang et le sacrement
À propos du sang qui donne la vie, la référence biblique est le sang que les Hébreux ont badigeonné sur les linteaux de leurs portes pour être protégés lors de la dixième plaie. À propos de ce récit, un commentaire pose une question qui peut éclairer notre rapport au sacrement. Il se demande si le sang a été badigeonné à l’intérieur ou à l’extérieur des portes. La réponse la plus immédiate est que c’est à l’extérieur, puisque le sang est le signe qui permet que les maisons des Hébreux soient épargnées. Mais un autre commentaire dit que c’est l’intérieur des portes, car les anges savaient quelles étaient les maisons des Hébreux et que c’est ces derniers qui avaient besoin du signe pour être rassurés.
Si nous transposons dans notre lecture des sacrements, nous pouvons entendre que nous avons besoin de manger le pain et de boire le vin pour nous assurer que pour nous, le Christ a tout donné.
Une illustration : Le pain de vie comme clef de la multiplication des pains
Dans le quatrième évangile, les signes posés par Jésus sont au service d’une parole.
Les noces de Cana disent que Jésus est la gloire de Dieu, la guérison de l’aveugle dit qu’il est la lumière, le relèvement de Lazare dit qu’il est la résurrection et la vie… Dans cette même veine, la multiplication des pains dit qu’il est le pain de vie.
Ces résonnances nous invitent à ne pas confondre le signe et ce qu’il signifie. L’important dans la multiplication de pains est que le Christ pour notre pain de ce jour, ce dont nous avons besoin pour vivre et pour aimer.
L’épître aux Ephésiens du dimanche 18 août
Ep 5.15-20 – Donner du poids à notre temps
Le contexte – l’épître aux Éphésiens
Dimanche après dimanche, l’épître aux Éphésiens nous rappelle la grandeur de l’amour de Dieu et l’appel à l’incarner dans notre vie de foi.
La semaine dernière, nous avons entendu l’appel à imiter le Christ et à aimer notre prochain jusqu’au bout. Le projet est ambitieux, difficile, c’est pourquoi l’auteur poursuit en donnant quelques conseils pratiques pour vivre la foi et l’amour du Christ.
Que dit le texte ? – Rachetez le temps !
Rachetez le temps. Le mot temps, kairos, ne signifie par le temps qui se compte en minutes, en heures et en jours, mais le temps où il se passe quelque chose. Veiller à la façon dont nous nous comportons revient à donner du poids à notre temps. Parce que le temps est court, il est urgent de se convertir, il est urgent d’aimer, il est urgent de cultiver notre intelligence spirituelle. Pour cela l’auteur de l’épître donne deux conseils.
Parlez-vous, ou parlez à vous-mêmes par des cantiques, des hymnes et des chants spirituels. Quand je chante un cantique, la première personne à laquelle je m’adresse est moi-même. La célébration de Dieu m’élève, elle m’aide à me remplir d’Esprit. Quand je célèbre Dieu, je parle aussi à mon prochain, et mon prochain me parle lorsqu’il célèbre Dieu. La communauté devient un lieu d’encouragements réciproques, de ressourcement spirituel.
Rendez grâce toujours et pour tout, après les cantiques, les hymnes et les chants spirituels, l’action de grâce est encore un moyen de s’élever dans la foi. Quand je rends grâce, j’élève la grâce et je m’élève dans la grâce. Rendre grâce, c’est refuser de s’habituer à la grâce, de la considérer comme normale, ce qu’on appelle la dégradation de l’étonnement. Le fait de rendre grâce aide à redécouvrir la merveille de la grâce, à se retrouver comme au premier jour de sa conversion, dans l’émerveillement primordial.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Mettre du poids dans notre foi
Manger le pain du Christ est une autre façon d’entretenir sa foi, de la garder vivante, d’inscrire l’éternité de Dieu dans l’épaisseur de notre temps.
Lorsque l’épître aux Éphésiens nous demande de ne pas être sans intelligence, elle nous invite à ne pas oublier la fragilité de notre foi et de notre vie. La foi ne se possède pas, elle se vit. Comme tout corps vivant, elle a besoin de nourriture pour s’entretenir, sinon elle meurt.
L’épître aux Éphésiens parle des cantiques et de l’action de grâce pour entretenir notre foi, le passage de l’évangile ajoute le pain et le vin du Christ. Les deux passages entrent en résonnance pour souligner l’importance du cultuel.
Le livre des Proverbes du dimanche 18 août
18.08.2024 : Pr 9.1-6 – Appel de la sagesse
Mangez le pain de la sagesse
Le contexte – le livre des Proverbes
Le premier verset du livre des Proverbes attribue ces maximes de sagesse à Salomon. Nous trouvons une proximité entre le mot proverbe (mashal en hébreu) et le nom Salomon (Shelomoh).
L’origine de cette sagesse se trouve dans le livre des Rois. Au commencement de son règne, le Seigneur lui a demandé ce qu’il désirait, il a répondu : Donne-moi un cœur attentif pour gouverner ton peuple, pour discerner le bon du mauvais ! Dieu a exaucé la demande de son serviteur : J’agirai selon ta parole. Je te donnerai un cœur sage et intelligent. Il a ajouté : Je te donnerai, en outre, ce que tu n’as pas demandé, aussi bien la richesse que la gloire (1 R 3,9-14).
Le commencement de la sagesse, c’est de savoir qu’on ne l’a pas et qu’on peut la demander, ce qui est le thème du passage que nous avons lu.
Que dit le texte ? – L’invitation de la sagesse
La sagesse a préparé un festin, et elle appelle les naïfs. Dans le livre de Proverbes, le naïf est celui qui n’est pas sage et qui est dépourvu de raison (1.22, 7.7, 8.5…). La sagesse n’est pas destinée à ceux qui sont sages, mais à ceux qui se savent ignorants.
Une fois que nous avons pris conscience de notre manque de sagesse, il reste encore à répondre à son invitation pour manger le pain et boire le vin qu’elle a préparé. Nous retrouvons l’appel du livre d’Ésaïe : Holà ! vous tous qui avez soif ! Venez vers l’eau, même celui qui n’a pas d’argent ! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer !… Écoutez-moi donc et mangez ce qui est bon, et vous vous délecterez de mets succulents (Es 55.1-2).
Partager le repas de la sagesse et une façon de se diriger vers l’intelligence. L’intelligence ici ne relève pas de la capacité à résoudre des problèmes de mathématiques, mais à se comporter avec justesse selon la justice. De même qu’il y a une intelligence des sciences, de la musique, des relations et des langues étrangères, il y a aussi une intelligence de la sagesse. Elle n’est pas innée, elle se cultive.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Manger le Christ
Le discours du pain de vie du chapitre 6 de l’évangile de Jean développe une pensée circulaire qui revient régulièrement sur les mêmes thèmes.
Jésus appelle ses interlocuteurs à manger sa chair et boire son sang. Le commandement est scandaleux. Jésus enseigne la sagesse à coups de marteau pour bousculer ses interlocuteurs.
Si on se réfère à notre seule intelligence, en quoi le partage du pain et du vin peut soutenir notre foi ? Toute une branche du protestantisme a tendance à négliger le sacrement. Nous avons besoin d’entendre que la grâce n’est pas simplement une idée mais une vie qui s’adresse à la totalité de notre personne.
Partager le pain et le vin peut être une démarche d’humilité qui consiste à reconnaître que nous ne sommes pas les maîtres de notre foi et que nous avons besoin de la nourrir.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Michel Barlow, Antoine Nouis