L’évangile du dimanche 11 août
Jean 6.41-51 – Le pain qui donne la vie
Introduction
Après avoir interpellé la foule sur le sens du miracle, Jésus envoie un coup de poing à la figure en disant qu’il est le pain de vie qui doit être mangé. Au pied de la lettre, ce passage nous invite à être anthropophage, ce qui correspond à la transgression d’un interdit universel.
Il va falloir interpréter, mais avant, on doit retenir que Jésus fait ici de la théologie à coup de poings pour bousculer les certitudes spirituelles de ses interlocuteurs.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Titre : Les hommes maugréent.
Les hommes maugréaient à son sujet. Le verbe maugréer (gogguzo) est une onomatopée qui évoque le roucoulement des colombes. Dans les évangiles, en dehors de ce récit, il est toujours employé pour évoquer la protestation des religieux face à la grâce : Quand Jésus partage la table des pécheurs, quand il est accueilli chez Zachée ou quand le maître de la parabole est généreux avec l’ouvrier de la onzième heure (Lc 15.2, Mt 20.11, Lc 19.7). Dans ce récit, les religieux maugréent parce que Jésus se présente comme un pain qui donne la vie à quiconque qui met sa foi en lui, ce qui vient bouleverser leur propre compréhension de la religion.
Titre : Jésus, fils de Joseph, dont on connaît le père et la mère.
Les religieux ont la même réaction que les habitants de Nazareth, ils essayent de contourner l’interpellation du Christ en l’interrogeant sur ses origines : « Qui est-il pour nous parler ainsi ? » Quand la parole bouscule, une façon d’esquisser l’interpellation de contester sa légitimité alors que la démarche de foi nous invite à écouter ce qu’il y a de juste en elle.
Pistes d’actualisation
1er thème : La référence à l’eucharistie
Jésus se présente comme le pain vivant descendu du ciel. Le prologue du quatrième évangile disait que la Parole qui était au commencement de toute chose a été faite chair, et maintenant, la chair est devenue pain pour la nourriture du monde. Non seulement Dieu est descendu de son ciel, mais il se donne à nous à travers le symbole du pain.
Cette lecture enrichit notre compréhension de l’eucharistie qui devient une marque de l’incarnation, le signe d’un Dieu qui est allé jusqu’au bout de l’offrande de sa personne pour que nous ayons la vie.
2e thème : Il est écrit dans les prophètes : Tous seront instruits de Dieu
L’objet de la foi est la connaissance de Dieu, c’est cette assurance que notre vie est en Dieu. Parmi les passages des prophètes, j’aime le verset qui dit à propos des temps messianiques : « La connaissance du Seigneur remplira la terre comme les eaux recouvrent la mer. » (Es 11.9)
Chez Ézéchiel : « Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon souffle en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et les mettiez en pratique. » (Ez 36.26-27)
Le royaume est présent lorsque la connaissance de Dieu couvre les montagnes et les vallées de mon histoire. Grâce à cette connaissance, je sais qui je suis et pourquoi je vis.
3e thème : La vie éternelle
Le pain est lié ici à la vie éternelle. Un verset du quatrième évangile dit : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » (Jn 17.3)
Dans le quatrième évangile, la vie éternelle n’est pas une notion de temps mais de relation. La vie éternelle, ce n’est pas une vie perpétuelle, mais une vie inscrite dans l’éternité de Dieu, une vie qui déborde des limites de notre humanité. La vie éternelle c’est s’inscrire dans cette assurance que notre vie est précédée par le désir de Dieu et qu’elle s’achèvera dans son amour.
Une illustration : Celui qui mange de ce pain vivra toujours
Jésus veut-il dire que celui qui mange de son pain devient immortel ? Bien sûr que non, nous savons bien que la foi ne nous fait pas sortir des contraintes de notre humanité. Jésus n’est pas devenu pain de vie pour que nos sortions des limites de notre vie.
Donc, nous mourrons, mais la promesse de ce verset est que la vie en Christ nous permet d’espérer une vie en Christ au-delà de notre mort. Dans ses propos de table, Luther a dit alors qu’il était malade : « Debout ou couché, je m’en remets à la volonté de Dieu. Je m’abandonne totalement à lui, il fera bien ce qu’il fera. Car je suis sûr d’une chose, c’est que je ne mourrai point, car il est la Vie et la Résurrection, et celui qui vit et croit en lui ne mourra pas. Aussi je m’en remets à sa volonté et je le laisse faire ! »
L’épître aux Ephésiens du dimanche 11 août
Ep 4.30-5.2 – Vivre l’amour
Le contexte – l’épître aux Éphésiens
Nous arrivons dans la dernière partie de l’épître aux Éphésiens qui a permis à son auteur de développer la grandeur de l’amour de Dieu qui dépasse tout ce que nous pouvons comprendre. Lui qui était avant la fondation du monde et en qui tout sera récapitulé à la fin des temps est venu jusqu’à mourir sur une croix pour le pardon des humains.
La semaine dernière, nous avons souligné que cette compréhension de Dieu induisait un changement dans notre façon de penser. Dans le texte que nous avons lu, le changement d’intelligence conduit à vivre selon la grâce et l’amour.
Que dit le texte ? – Imitez Dieu !
Le premier verset est une invitation à ne pas attrister l’Esprit. L’expression décrit l’Esprit comme une personne, ce qui induit une compréhension trinitaire de Dieu. Le verbe attrister change notre regard sur Dieu, on n’est plus dans le registre de l’obéissance vs la punition puisque Christ a pardonné à la croix. La punition ne fait pas partie du vocabulaire du pardon. Tout humain est juste devant Dieu : quand il y a sur terre de l’amertume, de la colère, de la calomnie et de la malfaisance sur terre, il y a de la tristesse dans le ciel ; et quand il y a de la bienveillance, de la grâce et de l’amour, il y a de la joie dans le ciel.
Pour diffuser la joie dans le ciel, l’épître nous invite à imiter Dieu et à vivre dans l’amour comme le Christ nous a aimés en rappelant que depuis la croix, le Christ se confond avec l’amour et l’expression amour de Dieu est un pléonasme.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Accueillir le pain de Dieu
Dans l’évangile, le commentaire que fait Jésus de la multiplication des pains est un appel à manger le Christ. Deux points font écho à notre passage de l’épître aux Éphésiens.
Mangé, le Christ meurt. L’eucharistie nous rappelle que le Christ est mort pour que nous ayons une nourriture spirituelle. La croix est l’assurance que Dieu est pardon et que le Christ a tout donné pour que nous soyons convaincus de ce pardon, il se laisse pour cela dévorer par nous.
Si nous sommes capables d’entendre ce message et de vivre cela, nous sommes naturellement invités à imiter le Christ et à aimer à notre tour. Lorsque le Christ dit que celui qui vit cela vivra pour toujours, il ne dit qu’il est immortel, mais que l’amour est immortel. Aimer, c’est vivre l’éternité de Dieu dans notre temps.
Le premier livre des Rois du dimanche 11 août
1 R 19.4-8 – Le relèvement d’Élie
Le contexte – le premier livre des Rois
Dans le cycle d’Élie, un épisode crucial est la confrontation avec quatre cent cinquante prophètes du Baal et les quatre cents prophètes de l’Ashéra sur le mont Carmel. Toute la journée, les prophètes idolâtres ont imploré leur Dieu, mais personne ne s’est manifesté. Face à cette multitude, une simple prière d’Élie a fait tomber le feu du ciel. Cette manifestation a été suivie d’une seconde avec le retour de la pluie après plusieurs années de sécheresse.
Emporté par l’enthousiasme de cette victoire spirituelle, Élie ordonne le massacre des prophètes du Baal, ce qui provoque la colère de la reine qui se sent humiliée. Elle envoie ses soldats pour tuer le prophète qui est obligé de fuir.
Que dit le texte ? – La visite d’un ange
Dans sa fuite, Élie est saisi par le découragement. Il s’assied sous un genêt et demande la mort : « Cela suffit ! Maintenant, Seigneur, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères. »
Dans son désespoir, il est visité par un ange qui le réveille pour lui faire voir une galette et une cruche disposées à ses côtés. Il mange et boit, puis se recouche. L’ange le touche une seconde fois et lui ordonne de manger encore, puis de se relever et de reprendre sa route : « Il se leva, mangea et but ; avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. »
Dans la Bible, l’Horeb et l’autre nom du Sinaï. Parfois, lorsque le chemin est trop long, nous devons garder les yeux ouverts sur les anges qui nous visitent pour nous proposer une nourriture qui nous permet de poursuivre notre route jusqu’à la montagne de Dieu.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Le pain de Dieu
Dans l’évangile de Jean, Jésus se présente comme le pain de vie que ses interlocuteurs doivent manger. Pris au pied de la lettre, ce passage est une invitation à être anthropophage. Nous sommes conduits à l’interprétation, mais il ne faut pas gommer trop vite le caractère scandaleux de la proposition. Jésus frappe fort pour ébranler la bonne conscience de ses interlocuteurs.
Manger le Christ, c’est l’inviter en nous, dans notre cœur et notre ventre. Nul ne se connaît parfaitement, et nous savons qu’il y a en nous du caché, des coins sombres, inconnus. Ceux-là aussi doivent être visités par le Christ.
C’est à chacun de faire l’expérience que l’Évangile et une nourriture qui permet de reprendre la route, de persévérer, et de marcher toute notre vie jusqu’à la montagne de Dieu.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Florence Taubmann, Antoine Nouis