L’évangile du dimanche 17 décembre

Jean 1.6-8,19-28 – 3e dimanche de l’avent

Jean n’est pas la lumière

Introduction

Le 3e dimanche de l’avent présente le personnage du Baptiseur à travers le quatrième évangile.

Le commencement de cet évangile est le prologue qui dit que la parole a été faite chair et qu’elle a fait sa demeure parmi nous (v.14), mais aussitôt après il parle de Jean comme dit que Jésus est celui qui vient après lui. (v.26)

Jésus est à la fois celui qui est la lumière et celui qui vient, ce qui est la tension qui traverse le temps de l’avent. 

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Comme dans l’évangile de Marc, Jean inscrit son ministère sous le signe du passage d’Ésaïe qui introduit la deuxième partie du livre. Les quatre évangiles inscrivent leur compréhension du Christ dans le registre de l’exil. (voir la semaine dernière)

Jean, le témoin : 

Jean est qualifié de témoin (marturia), le même mot est repris au verset 19, traduit par témoignage. Le mot évoque bien sûr le martyr et de fait Jean mourra de son témoignage.

Dans les évangiles, la foi est parfois évoquée dans le sens d’une mort à soi-même, à son orgueil, à sa convoitise, à cette idole redoutable qu’est notre ego. Comme le dira plus loin ce même évangile : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés…  Personne n’a de plus grand amour que celui qui se défait de sa vie pour ses amis. » (15.13)

Aimer, ce n’est pas forcément mourir, sinon il n’y aurait plus beaucoup de chrétiens, c’est donner de sa vie pour son prochain, c’est être témoin.

Les pharisiens : 

Le verset 24 dit que ceux qui sont allés au désert étaient envoyés de chez les pharisiens (NBS) ou qu’ils étaient des pharisiens (TOB), mot à mot étaient issus des pharisiens. Parmi les différents mouvements qui étaient dans le judaïsme, les pharisiens étaient ceux dont la spiritualité était la plus tendue vers l’attente messianique, donc qui étaient les plus susceptibles d’être touchés par le message de Jean.

Si souvent les évangiles sont sévères avec les pharisiens, c’est parce que justement ils étaient ceux qui étaient les plus proches de la prédication de Jésus. Les reproches que Jésus fait aux pharisiens sont l’orgueil et l’hypocrisie. L’orgueil, c’est de se croire supérieurs aux autres, et l’hypocrisie, c’est de ne pas vivre ce que nous prêchons. Nous pouvons entendre ces reproches comme étant adressés à l’Église de notre temps. 

Pistes d’actualisation

1er thème : Ce que Jean n’est pas 

Le texte évoque quatre négations pour parler de Jean : Il n’est pas la lumière, il n’est pas le Christ, il n’est pas Élie, il n’est pas le prophète. En d’autres occasions, l’évangile le décrira comme un ascète du désert (Mt 3.4), Jésus dira qu’il est le plus grand parmi les hommes qui sont nés de femmes (Mt 11.11) et il ajoutera qu’il est l’Élie qui doit venir (Mt 11.14). Jean dit qui il n’est pas, et Jésus dit qui il est. De par nous-mêmes, nous savons que nous ne sommes que cendre et poussière, et par le Christ, nous sommes fils et filles de roi. 

2e thème : La lumière 

Jean dit qu’il n’est pas la lumière, mais qu’il rend témoignage à la lumière. Il n’est pas la lumière, car il sait bien qu’il reste des ténèbres en lui et qu’il n’est pas totalement transparent à la présence de Dieu comme le sera celui à qui il rend témoignage. 

Le propre de la lumière est que lorsqu’elle rencontre les ténèbres, ce n’est pas la lumière qui est enténébrée, ce sont les ténèbres qui sont éclairées.

En chacun de nous, il y a de la foi et de la peur, de l’amour et de l’indifférence, de la gratitude et de l’habitude, de la lumière et des ténèbres. Le propre de la démarche de foi est d’exposer nos peurs, notre indifférence et nos habitudes à la lumière de l’Évangile pour que le Christ vienne poser sa lumière sur nos enfermements.

3e thème : Jean annonce celui qui vient et qui est plus grand que lui 

Jean est souvent désigné comme un modèle d’humilité à propos du fameux verset qui dit : Il faut qu’il croisse et que je diminue. Jean ne dit pas qu’il est petit, mais que Jésus est grand. Le vrai humble ne se repère pas aux yeux baissés, à l’air contrit et à la mine effacée, mais à l’esprit ouvert et au regard attentif posé sur l’autre. L’humilité, c’est d’être libéré de la comparaison pour être en mesure de se réjouir avec la même sincérité des talents de son prochain que des siens propres. 

 Un commentaire rabbinique réfléchit sur la vraie et la fausse humilité : « La différence entre l’homme modeste et l’homme humble, c’est que le premier se considère comme un homme ordinaire et traite les autres hommes comme des personnalités importantes et respectables. Le second se considère comme “poussière et cendre“, mais traite les autres comme moins que poussière… Contentons-nous donc d’être modestes. »

Une illustration

À propos du martyr, au quatrième siècle, après la fin des persécutions, le Père de l’Église Hilaire de Poitiers a pointé le défi qui se présente à l’Église lorsqu’elle est reconnue : « Quant à nous qui n’avons plus un empereur anti-chrétien, nous devons combattre un persécuteur encore plus insidieux, il ne frappe pas notre dos à coups de fouets, il nous caresse le ventre. Il ne nous confisque pas nos biens, mais il fait de nous des riches pour nous donner la mort. Il ne porte pas atteinte à notre liberté, en nous jetant dans les fers, mais il nous rend esclaves des invitations qui nous sont faites et des honneurs dans les palais. Il ne porte pas atteinte à nos corps, mais il prend possession de notre cœur. Il ne nous tranche pas la tête du plat de l’épée mais il nous tue l’âme de ses deniers. » Nous mesurons facilement l’actualité de cette réflexion : le témoin est celui qui reste fidèle dans le combat de la foi malgré les tentations de notre monde, c’est celui qui résiste à cette petite voix qui susurre à son oreille : « À quoi ça sert d’être fidèle à l’Évangile ? Fais comme tout le monde, profite de la vie, consomme, brille, cherche le pouvoir, sois le maître de tes valeurs, oublie tes engagements de jeunesse. Ce qui est à la mode aujourd’hui, c’est d’être mobile, adapté et surtout de ne pas rater le dernier train de ce qu’on doit penser… tu peux même essayer de le précéder ! »

L’épître du dimanche 17 décembre

1 Thessaloniciens 5.16-24 – Recommandations aux Thessaloniciens 

Le contexte – L’écrit le plus ancien du Nouveau Testament 

La première épître aux Thessaloniciens est l’écrit le plus ancien du Nouveau Testament. Paul a fondé cette Église qu’il a dû quitter précipitamment suite à des troubles suscités par son activité apostolique et on sent qu’il a pour elle une affection particulière.

L’épître porte la marque de la préoccupation de la toute première Église à propos de l’avènement du Seigneur : Comment se comporter dans cette perspective ? Paul garde la tension suscitée par l’attente du Jour du Seigneur, mais il invite ses interlocuteurs à ne pas se détourner de leurs devoirs quotidiens (1 Th 4.11). L’Église est définie comme une communauté de frères et de sœurs qui s’encouragent mutuellement dans leurs chemins de foi. 

Le passage que nous avons lu se trouve à la fin de l’épître : en attendant le jour du Seigneur, les fidèles sont invités vivre leur foi dans la persévérance et la fidélité. 

Que dit le texte ? – La joie et la prière

Le texte se présente comme une succession d’aphorismes sur la pratique de la vie spirituelle. Elle appelle à la joie, à la prière, à la reconnaissance et à l’intelligence.

Dans ce passage, la joie est un commandement. Dans l’épître aux Galates, elle est un fruit de l’Esprit, un accueil au oui fondamental que Dieu prononce sur notre existence. Dietrich Bonhoeffer a dit : « La joie de Dieu est passée par le dénuement de la crèche et la détresse de la croix : c’est pourquoi elle est invincible, irrésistible. Elle ne nie pas la détresse là où elle se trouve, mais au sein de cette détresse, en elle, elle trouve Dieu. »  

Prier sans cesse dit l’apôtre. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire d’autre que de prier, mais que toute notre vie soit une prière, une tension vers Dieu. Habiter la joie, cultiver la reconnaissance, chercher en tout temps la voie de l’Évangile sont des prières que nous faisons monter vers le ciel.

Rendez grâce en toute circonstance. La foi se confond avec notre capacité à rendre grâce pour tout ce qu’il y a de beau et de bon dans notre histoire… et peut-être pour le reste aussi. « Si nous prenions le temps de rendre grâce pour tout ce qu’il y a de beau et de bon, nous n’aurions plus le temps de nous plaindre ! »

Examinez tout et retenez ce qui est bien. Ce verset nous appelle à l’intelligence et au bon sens. En tout temps examiner car le Seigneur peut nous rejoindre par des voies surprenantes et retenir ce qui est bien car nous devons aussi exercer un devoir de vigilance. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Le meilleur chez le Baptiseur

Nous pouvons appliquer à Jean les critères dégagés par Paul dans son épître aux Thessaloniciens. L’évangile nous dit que Jean annonce le Christ, mais nous devons pas être des disciples de Jean, mais du Christ. 

D’abord examiner ce qu’il est et ce qu’il dit pour retenir ce qu’il y a de meilleur en lui : l’appel à changer de comportement et à se comporter avec droiture et son courage face aux puissants. 

Ensuite entendre ce qui dans son message nous appelle à la joie, à la prière et à la reconnaissance. Toujours chercher ce qui nourrit notre foi et entretient notre espérance.

 

Le texte du Premier Testament du dimanche 17 décembre

Esaïe 61.1-11 – Le jubilé chez Ésaïe 

Le contexte – La troisième partie du livre d’Ésaïe 

Nous sommes dans la troisième partie du livre d’Ésaïe. Le peuple est rentré d’exil, mais la situation qu’il a trouvée est difficile. Les exilés n’ont pas été particulièrement bien accueillis et la reconstruction du temple et des fortifications de Jérusalem rencontre des oppositions.

Le prophète annonce la venue d’un serviteur qui a reçu l’onction pour annoncer une bonne nouvelle pour les pauvres, libérer les captifs et proclamer une année de grâce pour le Seigneur.

Jésus a placé son ministère sous le signe de cette séquence qu’il a lue dans la synagogue de Nazareth. Dans son commentaire, il a annoncé qu’il avait été envoyé pour accomplir cette promesse.

Que dit le texte ? – Le jubilé chez Ésaïe 

L’année de grâce marquée par la libération des captifs et l’annonce d’une bonne nouvelle pour les pauvres a été interprétée comme une référence au jubilé.

Dans la Torah, toutes les sept années sabbatiques, c’est-à-dire tous les cinquante ans, on devait vivre une grande remise à zéro avec la libération des esclaves et le retour des terres à leur propriétaire d’origine pour marquer un nouveau commencement.

Ésaïe spiritualise ce nouveau commencement en évoquant un serviteur qui apportera un nouveau jubilé et sera une bonne nouvelle pour le peuple englué dans ses difficultés. Cette annonce l’invite à prendre de la hauteur par rapport à ses difficultés. Elle est un puissant encouragement en l’assurant qu’un jour les nations reconnaîtront le droit des enfants d’Israël. Ce jour est défini par une alliance perpétuelle, c’est-à-dire une nouvelle relation entre Dieu et son peuple que rien ne pourra défaire.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La grâce qui vient

Nous sommes au début de l’Évangile et dans le temps de l’avent. Nos difficultés familiales, professionnelles, financières, sociales… ressemblent parfois à celle des habitants de Jérusalem.

C’est dans ce contexte que nous sommes invités à accueillir la parole de Jean qui dit qu’il est venu rendre témoignage à la lumière. L’Évangile nous appelle à poser la lumière de Dieu sur nos difficultés et à entendre que le Christ est celui qui vient dans notre vie et dans notre histoire. 

Cette venue nous assure de la bienveillance de Dieu pour nous. Elle est comme une nouvelle alliance que rien ne pourra défaire. Parce qu’en Christ, Dieu est venu jusqu’à nous, alors nous pouvons être libres, nous pouvons aimer, nous pouvons recevoir la parole de Dieu comme une bonne nouvelle pour notre histoire. 

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Florence Taubmann, Antoine Nouis