L’évangile du dimanche 24 décembre
Introduction
Le récit de l’Annonciation à Marie est un des plus connus de l’évangile à cause de ses représentations picturales.
Exprimé sous une forme narrative, il fonde l’Évangile en annonçant un Dieu qui quitte son ciel pour venir habiter au milieu des humains, un Dieu dont la gloire et la majesté consiste à entrer dans l’épaisseur de notre humanité.
La rencontre entre le divin et l’humain passe par une jeune fille d’Israël dont on ne sait rien sinon qu’elle est fiancée.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Marie de Nazareth
Marie est une jeune fille qui réside dans une bourgade inconnue – Dans l’évangile de Jean, Nathanaël se demandera ce qui peut venir de bon de Nazareth (Jn 1.46) – et dont on ne connaît pas la famille à la différence de Joseph qui est fils de David.
Un indice dans notre texte l’inscrit dans une filiation avec une femme du Premier Testament. Le verset qui dit : « Tu vas être enceinte ; tu mettras au monde un fils et tu l’appelleras du nom de Jésus » (1.31) est la reprise mot à mot de la parole de l’ange à… Hagar : « Te voici enceinte ; tu vas mettre au monde un fils, et tu l’appelleras du nom d’Ismaël » (Gn 16.11). Luc fait de Marie une nouvelle Hagar qui a été une femme esclave, propriété sexuelle du mari de sa maîtresse. Dans son cantique, Marie chantera un Dieu qui élève les humbles. (Lc 1.53)
Marie et Zacharie :
Marie répond à l’ange : Comment cela se produira-t-il, puisque je n’ai pas de relations avec un homme ? (1.34). Son objection ressemble à celle de Zacharie : À quoi le saurai-je ? Car, moi, je suis vieux, et ma femme est avancée en âge(1.34). Pourtant l’ange a puni Zacharie pour son manque de foi alors qu’il est plus indulgent avec Marie. Pourquoi ? Peut-être est-ce parce que Zacharie est un prêtre âgé qui avait une longue vie de foi alors que Marie est encore une toute jeune fille. La réponse de Zacharie montre qu’il est dans une routine spirituelle, alors que Marie est prête à s’étonner.
Pistes d’actualisation
Le féminisme de Luc
Les évangiles de Matthieu et de Luc présentent la naissance de Jésus du point de vue de Joseph pour le premier et de Marie pour le second. On connaît mieux la version lucanienne alors que c’est la plus étonnante. Dans la Bible comme dans la culture de l’époque, les hommes généralement sont plus identifiés par leur père que par leur mère. Ça se repère dans les généalogies qui sont toutes patrilinéaires.
La place accordée à la foi de Marie entre bien dans la perspective de Luc qui est l’évangile qui accorde la plus grande place aux femmes.
La naissance virginale
Parmi tous les miracles de la Bible, un qui est particulièrement difficile à croire est que Jésus aurait été conçu par l’opération du Saint-Esprit, sans l’intervention d’un homme.
Le texte dit exactement : « L’Esprit saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. » L’ombre évoque la présence mystérieuse de Dieu. Luc utilise un langage imagé pour évoquer une conception mystérieuse, qu’on ne peut décrire.
Les récits sur l’origine de Jésus sont à lire dans le registre de l’angélologie plus que de la gynécologie. L’ange annonce alors que le gynécologue ausculte. L’important n’est pas la façon dont Jésus a été conçu, mais l’annonce qu’en lui, la Parole est devenue chair et qu’elle a fait sa demeure parmi nous, pour reprendre les propos du quatrième évangile.
La foi de Marie
En tant que protestant, je ne suis pas très versé dans la mariologie, mais je me dois de reconnaître qu’elle présente dans ce récit un exemple de foi.
Voilà une jeune fille d’une quinzaine d’années, qui reçoit la visite d’un ange qui lui dit : « Tu vas être enceinte alors que tu n’es pas mariée. Tu seras jetée en pâture aux commérages de ton village et tu seras la honte de ta famille. Mais ne crains pas car ton enfant sera le sauveur du monde. » Qu’est-ce qu’elle répond ? « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. »
Un des enjeux de la vie spirituelle est le grand oui à ce qui arrive. Si l’homme du ressentiment selon Nietzsche se morfond sur son passé et le subit, l’homme libre choisit ce qui lui arrive. Il est disponible pour l’accueil et la gratitude.
Une illustration
Le texte dit que Joseph n’est pas le père de Jésus. La réponse apportée par la foi sur sa conception est qu’il est né du Saint-Esprit, mais qu’en est-il de ceux qui n’ont pas la foi ? Comment ont-ils considéré Jésus ?
L’évangile présente deux versets qui portent le soupçon sur son origine. Dans l’évangile de Marc, lorsque les gens de Nazareth accueillent Jésus, ils disent : « c’est le fils de Marie », ce qui est complètement atypique, car les hommes sont habituellement situés par rapport à leur père. Dans l’évangile de Jean des remarques des religieux alimentent le soupçon : « Où est ton père ? », ou encore « nous ne sommes pas nés, nous, de la prostitution. »
Ces indices laissent entendre que Jésus était marginalisé dans la bonne société religieuse, ce qui explique en partie sa solidarité naturelle avec les exclus de son temps.
L’épître du dimanche 24 décembre
Le contexte – La salutation finale de l’épître aux Romains
L’épître aux Romains est la plus théologique des lettres de Paul. Il y a résumé le cœur de sa compréhension de la foi à partir du thème de la grâce.
Le texte qui est proposé à notre méditation est la doxologie finale de l’épître. Dans ces quelques versets, Paul reprend le message qu’il a voulu transmettre aux Romains sur la place du Christ dans l’histoire.
Ces quelques versets sont lourds et il faudrait s’arrêter sur chaque mot tant il est dense d’un point de vue théologique.
Que dit le texte ? – Le projet de salut de Dieu
Ces quelques versets disent quatre choses.
Dieu a le pouvoir de nous affermir en Jésus-Christ. C’est en lui qu’il s’est révélé à nous en plénitude, c’est par lui que nous le connaissons, c’est avec lui que nous sommes appelés à vivre notre foi.
La révélation est en conformité avec le mystère qui était tenu secret. Dans la Bible, le mystère n’est pas ce qui est caché, mais ce qui est révélé. En Jésus-Christ, Dieu se révèle à nous, il nous dit qui il est. Ce mystère est que Dieu a un projet de salut pour toutes les nations, les juifs et les non juifs car Dieu fait grâce.
Ce mystère était déjà manifesté dans les Écritures prophétiques. Nous trouvons chez les prophètes des passages qui évoque cet universel qui sera accompli dans le Christ. Envoyés par Dieu en dehors des institutions, ils ont préparé l’Évangile.
Ce mystère est porté à la connaissance de toutes les nations. La singularité de l’Évangile est l’ouverture du message de Dieu à toutes les nations.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Un règne qui n’aura pas de fin
L’ange annonce à Marie qu’elle mettra au monde un fils dont le règne n’aura pas de fin et l’épître aux Romains précise que ce fils accomplit le projet de Dieu de sauver l’humanité tout entière.
Le cœur de la foi chrétienne est l’annonce que Jésus de Nazareth n’est pas simplement un homme qui a particulièrement bien compris qui était Dieu, il est l’accomplissement de la révélation de Dieu, l’annonce que le créateur du ciel et de la terre est venu planter sa tente au milieu des humains pour que l’ensemble de l’humanité puisse être intégré dans son plan de salut.
Ce message nous dépasse, car il est trop grand pour nous. C’est pourquoi il est un moment où il faut se taire et dire avec Paul : À Dieu, seul sage, la gloire, par Jésus-Christ, pour toujours ! Amen !
Le texte du Premier Testament du dimanche 24 décembre
Le contexte – David conforte son règne
Lorsque l’Évangile nous parle de l’annonce à Marie, le texte du Premier Testament parle d’une annonce à David. Quelle est cette annonce ? Ce n’est pas lui qui construira le temple.
Après l’arrivée en terre promise, l’histoire du peuple est marquée par la mise en place de deux grandes institution : la royauté et le temple. Le plus étonnant dans les livres de Samuel, c’est que le Seigneur va s’opposer dans un premier temps à ses deux institutions.
Lorsque le peuple demandera un roi, Samuel l’interprétera comme un rejet de Dieu et ce dernier prévient le peuple sur le coût de la royauté (1 S 8). Et lorsque David a voulu construire le temple, le Seigneur s’est opposé à son projet.
Avec un roi et un temple, les enfants de Jacob ont voulu ressembler aux autres peuples alors que Dieu les appelait à être différents.
Que dit le texte ? – La tente plutôt que le temple
Le premier verset dit : Lorsque le roi fut installé dans sa maison. Lorsqu’il a affermi sa royauté, David a commencé par se construire un palais. Quand il a été bien installé, il s’est souvenu que Dieu habitait toujours une tente, alors il a décidé de lui construire une maison et il le dit à Nathan son prophète.
Dans un premier temps, le prophète approuve le projet, mais de nuit le Seigneur lui parle dire deux choses à David à propos de ce projet.
D’abord je ne t’ai rien demandé. Dieu lui rappelle qu’il a accompagné son peuple dans sa montée d’Égypte et que jamais il n’a ordonné de bâtir une maison. Cette remarque souligne la différence fondamentale qu’il y a entre la tente et le temple. La tente est la marque d’un Dieu qui se déplace avec son peuple alors que le temple est un bâtiment dans lequel le peuple doit se rendre pour retrouver Dieu.
Ensuite, le Seigneur fait une contre-proposition à David. Il lui dit : ce n’est pas toi qui me bâtiras une maison, c’est moi qui t’en bâtirai une. Quelle est cette maison ? J’affermirai ton trône royal et je serai avec ton fils. Le Seigneur promet à David une descendance.
Au roi qui voulait donner un espace à Dieu, ce dernier répond qu’il donnera une histoire à son serviteur.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Un enfant plutôt qu’un bâtiment
L’ange annonce à Marie qu’elle aura un fils et Dieu annonce à David qu’il ne construira pas le temple. D’un côté un enfant, de l’autre un bâtiment.
Dans tous les temps les puissants ont voulu manifester leur grandeur en construisant des édifices qui leur survivront. Les Églises n’ont pas échappé à cette tentation et souvent elles ont construit des bâtiments et des institutions pour être sûres de durer dans le temps.
À la construction d’un bâtiment, l’Évangile oppose une histoire à partir de l’accueil d’un enfant. Nous sommes invités à ne pas trop nous focaliser sur nos bâtiments et nos institutions pour accueillir l’enfant de Marie dans notre histoire.