Dans « Aime… mais ne fais pas ce que tu veux » (éd. La Condottière), la théologienne Paule Zellitch et le journaliste Jean-François Bouthors s’attaquent à une idée reçue tenace : celle d’un amour tout-puissant, absolu, sanctuarisé — notamment dans l’Église catholique. En détournant la célèbre formule attribuée à saint Augustin, les auteurs veulent réveiller les consciences : non, aimer ne suffit pas. Non, l’amour n’est pas une justification à tout.
Leur titre, né d’un déjeuner un peu arrosé avec leur éditeur, résume une intuition éthique profonde. L’amour, affirment-ils, peut devenir un piège. S’il n’est pas interrogé, encadré par la loi, la justice et l’examen éthique, il peut se transformer en force destructrice, en alibi des pires abus. Leur livre déconstruit la figure de l’amour idolâtré, qui, en prétendant vouloir le bien de l’autre, en vient parfois à l’annihiler. Le mythe d’un amour fusionnel, analysé à la lumière de Freud ou des Écritures, devient le terreau d’attitudes violentes, abusives dans les couples, les familles, ou encore les institutions religieuses.
C’est tout le paradoxe chrétien qu’ils revisitent : « Dieu est amour », certes, mais quel amour ? Et que devient la responsabilité quand elle s’efface derrière un amour sacralisé ? Le catholicisme, selon eux, a trop souvent couvert les abus au nom de l’unité ou du pardon. La loi, dans la tradition biblique, n’est pas un carcan, mais un espace de discernement qui fait exister l’autre, en posant un écart salutaire entre soi et le monde.
Ce livre est donc un appel à une relecture biblique, à une éthique de la relation qui remet l’humain au centre, avec ses contradictions et ses limites. Il s’appuie sur l’anthropologie biblique, les tragédies, la littérature et les récits fondateurs pour rappeler que l’amour doit toujours être interrogé, et non idolâtré.
Un essai fort, qui agit comme une bibliothérapie, pour sortir des illusions, retrouver le sens du juste, et réconcilier foi, justice et humanité.
Jean-François Bouthors est journaliste et essayiste, collaborateur de la revue Esprit et éditorialiste à Ouest-France. Paule Zellitch est théologienne et présidente de la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones (CCBF). Ils animent tous deux un atelier de lecture biblique à la CCBF.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Jean-François Bouthors et Paule Zellitch
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal Pictures
