Pourquoi les croyances et la foi sont-elles difficiles à aborder ?
Delphine Horvilleur, rabbin, explique que la seule chose qui l’a fait hésiter à venir parler, c’était le thème choisi : la croyance et la foi. En tant que rabbin,, ce sujet difficile et paradoxal. Elle participe souvent à des dialogues inter-religieux où elle se sent « lost in translation », c’est-à-dire qu’elle ne comprend pas toujours ce que les gens veulent dire par « foi » et « croyance ». De plus, dans la tradition religieuse juive, ces notions ne sont pas centrales. Une blague juive peut illustrer ce point : des rabbins débattent toute la nuit pour conclure que Dieu n’existe pas, mais vont quand même à la synagogue pour prier le matin. Cela montre que, pour les juifs, la question de la foi n’est pas au cœur du problème. Ce qui compte, c’est comment l’homme agit et s’inscrit dans un lien avec le transcendant.
Comment le judaïsme perçoit-il le nom de Dieu ?
Dans le judaïsme, il est difficile de nommer Dieu. La Torah contient quatre lettres, le tétragramme, représentant le nom de Dieu, mais personne ne sait comment le prononcer. Les juifs, réputés pour leur mémoire, ont volontairement oublié comment prononcer ce nom. Cela est délibéré, car nommer Dieu reviendrait à le définir et donc à le limiter, ce qui va à l’encontre de la théologie juive. Dieu est perçu comme une présence et une absence à la fois, un indicible, un indéfinissable. En ne le nommant pas, les juifs évitent de le finir, de l’enfermer dans des contours précis. Cette approche permet aux hommes d’entrer dans l’histoire, car si Dieu prenait toute la place, il n’y aurait pas de place pour l’action humaine.
La religiosité comme entrée dans l’histoire
Delphine Horvilleur définit la religiosité comme la manière dont les hommes entrent dans l’histoire en se racontant des histoires sacrées. Elle reconnaît que sa réponse peut sembler frustrante pour certains, surtout ceux qui réagissent de manière virulente à l’idée que la croyance pourrait être nécessaire pour vivre. « Est-ce qu’on a besoin de croire pour vivre ? » Beaucoup de gens lui ont dit qu’ils croient fermement qu’on n’a pas besoin de croire, une contradiction qui ressemble presque à une blague juive. Cela montre à quel point le sujet de la foi et de la croyance peut être complexe et susciter des opinions fortes.
En définitive, selon la foi et la croyance ne sont pas des concepts centraux dans le judaïsme . Ce qui importe, c’est l’action et le lien avec le transcendant. Nommer Dieu, c’est le définir et le limiter, ce qui est contraire à la théologie juive. La religiosité est donc vue comme un moyen pour les hommes de participer à l’histoire en se racontant des histoires sacrées, sans se focaliser uniquement sur la foi et la croyance.
Production : Fondation Bersier
Réalisation : Jean-Luc Mouton
Invitée : Delphine Horvilleur