Moine et lecteur de la Bible

Luther a passé près de 20 ans de sa vie au couvent. Né en 1483, il y était entré pour être plus proche de Dieu et pour y trouver la paix intérieure. Tourmenté par la sainteté de Dieu et par ses propres imperfections, il devient un lecteur assidu de la Bible qu’il est chargé d’expliquer à des étudiants à partir de 1513. En lisant l’épître aux Romains, il se rend compte que le Dieu de la foi chrétienne n’est pas seulement une puissance accusatrice pour l’homme, mais « un four brûlant d’amour. » En Jésus-Christ il se donne aux êtres humains, appelés à lui faire confiance et, ainsi, à être sauvés.

Combattant au service de l’Évangile

Le lecteur de la Bible et héraut de la foi devient un combattant. Au-delà de la salle de cours, il s’en prend à l’idée selon laquelle les peines d’ici-bas imposées lors de la confession, mais aussi celles du purgatoire dans l’au-delà, pouvaient être remises au pénitent par le pape et ses représentants, alors que le chrétien devait, par une pénitence réelle et personnelle, suivre Jésus Christ sur le chemin de la sanctification. Quand la papauté lui donne tort et que certains théologiens contestent sa vision de l’homme, du salut et de l’Église, il engage au nom du message biblique le combat contre la papauté, contre certaines conceptions de la messe et des sacrements et contre une institution monastique mal comprise. Mais il affronte aussi les paysans révoltés qui, d’après lui, confondaient la liberté chrétienne et la liberté civile. Il résiste également à ceux qui se réclament de l’esprit et de leurs visions en relativisant l’autorité de l’Écriture sainte.

L’homme d’Église et le maître spirituel

Luther n’est pas seulement un théologien et un polémiste, mais aussi un homme d’Église et un maître spirituel. Faute d’accord avec la papauté, des Églises protestantes se mettent en place. Conformément aux conceptions de Luther, la messe n’est plus comprise comme un sacrifice opéré par l’homme, mais centrée sur le Christ et son oeuvre. Elle est célébrée dans la langue du peuple. Luther y contribue par 36 chants, dont certains sont toujours chantés aujourd’hui. Il veille aussi à la place centrale de la prédication et à la formation théologique des  prédicateurs. Lui-même ne cesse de prêcher tout au long de sa vie. Mais il souligne aussi que sur la base de leur baptême et de la foi, tous les fidèles peuvent juger de la conformité ou non de ces prédications avec l’Écriture sainte. Au-delà du vécu ecclésial, Luther agit comme un maître spirituel par ses nombreux textes d’édification. Il ne cesse de donner des conseils pour la prière et pour la vie chrétienne dans la confiance et dans l’amour.

Le message

Luther était sensible aux fragilités et aux drames de la vie humaine exposée au mal, aux conflits en tout genre et aux illusions de l’homme sur lui-même. Il savait aussi combien Dieu demeure caché et insaisissable. Ce qui, au-delà du désespoir et du doute, le remplit d’une certitude joyeuse et contagieuse, c’est que Dieu est sorti de son absence et de son silence pour choisir la présence à travers la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ, attestée par la Bible et annoncée par ses témoins à travers les siècles. C’est la réception de ce message qui donne au croyant une étonnante liberté intérieure face à tout ce qui le fragilise, y compris face à ses propres défaillances. Il sait qu’il n’y a pas seulement le Dieu qui juge mais aussi le Dieu qui pardonne. Appelé, certes, à l’action, il sait qu’il n’est pas réductible à ses actes et à ses échecs, mais qu’il y a dans sa vie un au-delà, un regard, une grâce qui ne cessent de le remettre debout.

L’autorité de la Bible

Parce que tel est, pour Luther, le message central de la Bible, orienté fondamentalement vers le Christ et vers ce qu’il est pour l’homme, il ne cesse de souligner l’autorité de la Bible. Elle a autorité pour la vie personnelle du croyant. Et, parce que la raison d’être de l’Église est d’annoncer Jésus Christ, la Bible est aussi l’autorité dernière dans l’Église. Les théologiens et les autorités des Églises, ainsi que les confessions de foi sont,certes, nécessaires mais doivent justifier leurs affirmations en référence à la Bible et au témoignage qu’elle rend à Jésus Christ.

La liberté intérieure et l’amour

Libre dans la foi face aux contraintes en tout genre et libre face à ses défaillances, le croyant ne se retire pas du monde. Il est armé pour affronter les combats de la vie quotidienne et les défis de la vie sociale. Libéré par la foi en un Dieu miséricordieux, il devient un être miséricordieux pour son prochain, dans sa famille, mais aussi dans la société : le chrétien est un serviteur. Prêt à accepter la souffrance si nécessaire, il est au service du bienêtre des autres. Mais il sait aussi qu’il ne va pas construire le royaume de Dieu sur terre. Au-delà des ambiguïtés et des relativismes de toute action humaine, il attend l’accomplissement dernier que Dieu seul réalisera.

L’héritage

Aux dires de bien des historiens, Luther a joué un rôle fondamental dans la naissance du monde moderne. Au plan ecclésial il intéresse aussi les catholiques aujourd’hui par ses affirmations sur l’Évangile et la foi. Tout en posant des questions critiques, notamment au sujet de ses derniers écrits irrecevables sur les juifs, les protestants le perçoivent toujours comme une sorte d’icône et de maître spirituel. Ils savent qu’il leur faut toujours et encore retrouver son message, son enracinement dans la Bible et sa foi conquérante, et les exprimer dans le langage d’aujourd’hui.

Protestants 2017 PFP