Des crédits d’impôt sont promis aux milliardaires tandis que les plus pauvres plongent dans la détresse absolue. Un grand patron remercié reçoit un chèque de départ mirobolant alors que ses salariés sont en danger d’être licenciés. Le monde est à la merci d’autocrates et d’oligarques mafieux. D’après Thomas Piketty, l’auteur de Capital et idéologie, les 10 % les plus riches accaparent plus de la moitié des richesses mondiales. Tout concourt à une montée sans frein des inégalités qui engendre des tensions sociales croissantes, nourrit les clivages identitaires et nous menace de conflits meurtriers. 

Cependant, l’auteur montre que cette situation n’a rien d’inéluctable. Jadis, en particulier entre 1950 et 1980, les pays occidentaux ont conduit des politiques soucieuses d’égalité, la taxation des plus riches équilibrant une protection sociale efficace, sans que la croissance en fût affectée, bien au contraire. Il est donc possible de dépasser l’hypercapitalisme actuel, dans une nouvelle perspective égalitaire à visée universelle, fondée entre autres sur le partage du pouvoir en entreprise avec les salariés, l’éducation pour tous, une Europe sociale et fédérale luttant contre les paradis fiscaux et une plus forte contribution des hauts revenus et patrimoines. 

Comme nous l’a demandé le pape François, les chrétiens sont-ils prêts à travailler dans ce sens, à réduire les inégalités en partageant nos avantages, en vue de participer à une économie plus soucieuse des besoins des plus vulnérables ? Jésus proclame qu’on ne peut servir deux maîtres, à la fois Dieu et l’Argent. Nous, ses disciples, ne devrions-nous pas être à la pointe de propositions capables de redonner espoir aux perdants grâce à la générosité des gagnants ?

Joëlle Nicolas Randegger, médecin pédiatre engagée dans l’humanitaire, pour « L’œil de Réforme »

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