Donald Trump a certainement été la cible d’une deuxième tentative d’assassinat, dimanche 15 septembre. Et ce deux mois à peine après avoir été blessé à l’oreille lors d’un meeting de campagne en Pennsylvanie, rappelle France 24. Le week-end dernier, le tireur est parvenu à s’approcher du candidat républicain à la Maison-Blanche alors que ce dernier jouait au golf. Un suspect a rapidement été arrêté et le FBI a ouvert une enquête.
L’acte a été unanimement condamné par les responsables politiques. Il ne doit « pas y avoir de place pour la violence » en politique, a souligné Kamala Harris, l’adversaire de Donald Trump. La très trumpiste Elise Stefanik a quant à elle dit qu’elle voyait dans cette fin heureuse la « main protectrice de Dieu ». Il y a deux mois déjà, le camp républicain avait mis en avant la protection divine dont bénéficierait le milliardaire.
« Aucun lien »
Pour les partis politiques américains, le supposé deuxième attentat contre Donald Trump reflète le « moment sombre » que traverse le pays. Historien à l’université de Heidelberg, Manfred Berg a écrit un ouvrage s’intéressant à la montée de la violence politique aux États-Unis depuis les années 1960. Il reconnaît « que le fait qu’un même candidat ait été la cible de deux tentatives d’assassinat en deux mois est inhabituel ». « Ce qui étonne, c’est qu’il ne semble y avoir aucun lien, idéologique ou autre, entre les deux suspects », commente Clive Webb. Lui est professeur à l’université de Sussex et spécialiste de l’histoire américaine contemporaine et des actes de violence aux États-Unis. Aucun groupe déterminé à exécuter l’ex-chef de l’État, ne serait donc derrière ces deux tentatives d’assassinat.
Mais selon les historiens interrogés par France 24, « la séquence de violence politique que les États-Unis traversent actuellement » n’a « rien de particulièrement unique ». Mark McLay étudie la polarisation politique de la vie américaine aux XXe et XXIe siècles à l’université de Lancaster (Royaume-Uni). Il explique : « On aimerait être surpris, mais non. On aimerait être surpris par ce type d’événements tragiques, mais en fait non. » Manfred Berg rappelle qu’« entre les assassinats d’Abraham Lincoln (14 avril 1865), James A. Garfield (2 juillet 1881), William McKinley (14 septembre 1901) et John F. Kennedy (22 novembre 1963) ou encore la tentative d’assassinat contre Ronald Reagan (30 mars 1981), il n’y a rien de vraiment nouveau ». Plus récemment, Barack Obama a même échappé à plusieurs complots et attentats. Et ce, avant d’être élu pendant ses deux mandats à la Maison Blanche.
« Normalisation de la violence politique »
Clive Webb met en avant le fait que « la plupart des assassinats et tentatives sont le fait d’auteurs isolés, souvent sans lien avec une idéologie ». Il en veut pour preuve le cas de John Warnock Hinckley Jr., un Américain à l’esprit dérangé qui avait essayé de tuer Ronald Reagan. Il espérait alors attirer l’attention de l’actrice Jodie Foster. Samuel Byck, lui, avait mis en place un plan pour assassiner Richard Nixon, après que l’administration lui avait refusé un prêt pour monter une petite entreprise. Auparavant, il avait envoyé des lettres de menaces au président.
Pour ces experts, les deux attentats contre Donald Trump illustrent la « normalisation de la violence politique dans un pays où il y a environ 400 millions d’armes à feu en circulation aux États-Unis », explique Manfred Berg. « Tout ce qu’il faut pour ce genre d’incident, c’est un individu prêt à la violence avec un objectif personnel et une envie de publicité », complète Mark McLay. L’extrême polarisation de la vie politique depuis quinze ans, avec deux camps qui se font face, fait qu’il faut s’attendre à ce genre d’explosion de violence contre les dirigeants du camp adverse, prévient Clive Webb.
Une « gloire ultime »
La banalisation de la violence faisant, assassiner un président ou un candidat « peut être perçu, dans une logique perverse, comme la gloire ultime qui doit assurer la place de l’auteur dans l’histoire du pays », indique Manfred Berg. Mais aux États-Unis, la violence politique ne cible pas uniquement les présidents et candidats. Gretchen Whitmer, la gouverneure démocrate du Michigan, a par exemple été la cible d’un complot d’enlèvement en 2020. Quant au mari de Nancy Pelosi, l’une des figures de proue du Parti démocrate, il avait été attaqué chez lui par un militant canadien d’extrême droite. C’était en octobre 2022.
De manière générale, depuis la présidentielle de 2020, « il y a clairement une hausse des actes de violence contre les élus aux États-Unis », affirme Clive Webb. Un avis qui corrobore la conclusion d’un rapport de janvier 2024 du *Brennan Center for Justice*, une ONG luttant pour la défense de la démocratie. Le document indique que « plus de 40 % des élus locaux ont fait état de menaces directes ou d’attaques physiques contre eux ».
Le discours « tous pourris” en cause ?
Le discours selon lequel les élus seraient « tous pourris » ne serait pas étranger à ce phénomène, selon Clive Webb. Il est notamment véhiculé par Donald Trump et ses partisans. « Le sentiment que le système sert les intérêts des élites et pas du tout ceux des citoyens ordinaires devient de plus en plus fort, ce qui justifie le recours à la violence politique aux yeux de certains », analyse le spécialiste.
Pour certains observateurs, l’omniprésence actuelle de la violence politique aux États-Unis serait le prélude d’une prochaine guerre civile. Une idée qui fait faire les gros yeux aux historiens interrogés par France 24. « Les tentatives d’assassinat contre Donald Trump, par exemple, ne semblent pas motivées par une idéologie d’affrontement », insiste Mark McLay. Même s’« il faudra faire attention à la suite », estime Clive Webb. Il craint notamment que ces attentats servent de déclencheurs pour les militants pro-Trump les plus radicaux. Une escalade des violences que n’exclut pas Manfred Berg, même si pour le moment il juge que le risque d’une nouvelle guerre civile est faible.