Les innovations juridiques et techniques nous donnent toutes sortes de moyens pour nous dispenser des échanges avec les autres. Nous pouvons, par exemple, acheter en ligne des produits qui arrivent, ensuite, dans notre boîte aux lettres, sans que nous ayons rencontré personne. On économise, ainsi, du temps, des discussions, voire des négociations.

Des échanges toujours plus brefs

Depuis longtemps, les assurances sociales autant que les assurances privées nous donnent le moyen de ne plus dépendre des autres s’il nous arrive un ennui. Dans le travail, chacun poursuit sa carrière comme il peut ou comme il l’entend. Les employeurs ne font plus tellement attention aux collectifs de travail. Les équipes évoluent au gré des projets, ou des délocalisations. Et les salariés voguent (de plein gré ou contre leur gré) d’un emploi à l’autre. Dans le domaine économique, on préfère souvent passer des contrats écrits, plutôt que de devoir négocier avec des équipes stables, éventuellement récalcitrantes. Dans bien des domaines, les relations verbales sont considérées comme peu efficaces. Et même sur les réseaux sociaux, beaucoup préfèrent exprimer leur opinion par des phrases brèves, plutôt que de devoir argumenter longuement avec quelqu’un qui leur fait face.

Une perte de sens

Nous sommes seuls, nous sommes réputés autonomes, mais beaucoup perdent le fil de leur vie. Le fait que chacun soit face à une tâche, avec peu de possibilités d’échange, engendre des burn-out. Pour qui, pour quoi, comment travaille-t-on ? On perd le sens de ce que l’on fait, soit parce qu’on perd de vue l’utilisateur final de son travail, soit parce qu’on a en face de soi un bénéficiaire que l’on n’a pas les moyens d’aider comme on le souhaiterait. Qui dit isolement dans le travail, dit souffrance.

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