Décryptage avec Catherine Trautmann, ancienne eurodéputée socialiste, Anne Sander, eurodéputée PPE1 et Christian Krieger, président de la Conférence des Églises européennes (CEC).

Les « pères » de l’Union européenne étaient catholiques et dans les années 1990 Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, plaidait en faveur d’«une âme pour l’Europe ». « Il a promu le dialogue interconfessionnel et interreligieux à travers différentes initiatives, pas forcément très structurées», se rappelle Catherine Trautmann qui, en 2008, a contribué à l’adoption, par le Conseil de l’Europe, d’un livre blanc intitulé Vivre ensemble dans l’égale dignité. «La dimension religieuse était présente dans un contexte de pluralité respectueux de la liberté de croire ou pas. » La même année, elle se souvient que « concernant la directive sur le retour des étrangers en situation irrégulière, le pire a été évité grâce à l’intervention de la Cimade et des Églises ».

La place de l’humain dans la société

Effectif depuis 2009, l’article 17 du traité de Lisbonne donne un cadre juridique précis au « dialogue avec les organisations religieuses et non confessionnelles ». Christian Krieger, tout en déplorant les « insuffisances » de ces échanges institutionnels et notamment le fait que les débats sont «noyautés par certaines associations ayant une représentation obscurantiste des religions », relève qu’ils portent des fruits. «Nous ne sommes certes pas dans l’arène parlementaire, mais la CEC a récemment porté plusieurs dossiers relatifs à la non-discrimination religieuse en Bulgarie, en Islande et en Espagne, qui ont abouti. » Selon lui, « le travail régulier de la CEC avec les sous-commissions du Parlement est le niveau le plus efficace. On n’est pas dans une logique de rapport de forces, mais en invitant des experts à nos conférences, il y a un impact de notre travail, par capillarité. C’était encore le cas tout récemment, où nous avons planché sur la digitalisation et ses conséquences dans le monde du travail». «C’est en se recentrant sur ses valeurs fondatrices que l’Europe retrouvera sa marche en avant », estime encore le président de la CEC, convaincu que «les Églises sont les seules instances qui ne travaillent pas pour elles-mêmes mais portent le souci désintéressé de la place de l’humain dans la société ».

À l’instar de Christian Krieger, l’eurodéputée Anne Sander juge qu’à côté du dialogue institutionnel avec les Églises, « le plus important c’est celui, informel, avec les différents cultes, car il nous permet d’être au plus près de la réalité du terrain sur tous les sujets. Je crois beaucoup à ce dialogue ; c’est essentiel dans notre société fracturée. Les Églises se sont beaucoup engagées afin de maintenir, pour les années 2014-2020, le fonds européen d’aide aux plus démunis, régulièrement remis en cause », relève-t-elle.