Dans sa chambre de sa maison de retraite à Strasbourg, le portrait de sa femme trône au-dessus du lit d’Alfred Schwach : « En la regardant de n’importe quel côté, on a l’impression qu’elle nous suit des yeux », observe tendrement le pasteur à la retraite. Il a perdu son épouse il y a quelques mois et commence à peine à s’habituer à l’absence de celle qui fut sa compagne pendant 70 ans.

Alfred Schwach se souvient très bien de son départ : diminuée après une chute, sa femme avait exceptionnellement réuni ses forces ce soir-là pour se rendre à dîner au réfectoire de la maison de retraite à l’aide de son déambulateur. « Elle a même bavardé avec les autres résidents, elle est remontée dans notre chambre sans aide. Mais une fois arrivée, elle s’est sentie très lasse et a souhaité se coucher tout de suite. On a lu des prières et chanté un cantique sur la mort. Elle s’est endormie. Et quand je me suis réveillé à 6h, elle ne respirait plus. » Bien sûr, Alfred Schwach n’avait pas imaginé qu’elle allait mourir ce soir-là. Mais dans l’absolu, « à nos âges, on ne pouvait pas ignorer que nos vies se termineraient par la fin », confie pudiquement le nonagénaire.

Pour ce jour, son épouse avait déjà tout prévu. Cinq ans auparavant, elle avait préparé un sac en papier, dans lequel elle avait rangé un pyjama tout neuf – sa tenue pour le cercueil – et une enveloppe avec ses volontés pour le déroulement de ses obsèques. « Elle m’avait prévenu. Le sac est resté dans un coin de l’armoire. Je ne l’ai pas regardé mais je savais que tout était prêt. » Dans l’enveloppe, son faire-part de décès rédigé pour la presse ainsi que son curriculum, et la volonté que le culte à l’église intervienne après la cérémonie au cimetière et avant un « Kaffee und Kuchen ». « À la place des fleurs, elle a souhaité des dons en faveur de l’association Espoir pour l’Arménie, dont elle avait été proche toute sa vie. » Le jour J, ses obsèques se sont donc passées comme prévu jusqu’au choix des cantiques pour la cérémonie religieuse, présidée par sa filleule pasteure, à sa demande également.

Mais la vieille femme avait « quand même oublié quelque chose », note Alfred Schwach : elle n’avait pas précisé le verset biblique qui devait accompagner le faire-part. « C’était peut-être en conscience », estime-t-il. « Pour laisser le libre choix à ses fils ». Pour Alfred Schwach, « c’est presque normal pour quelqu’un de croyant de choisir le déroulé de ses funérailles, pour transmettre aux descendants sa foi et sa certitude. » Lui aussi a commencé à préparer son décès. Dans un coin de sa chambre, il montre une chemise noire : elle contient ses volontés rédigées pour son enterrement, l’explication des démarches administratives à faire alors, et une sélection de cantiques. « C’est encore incomplet. Ça peut encore changer », confie-t-il.