L’homme veut-il sérieusement se convaincre qu’il existe une alternative ? N’a-t-il trouvé que la fuite du réel pour affronter les conséquences de ses actes ?

Ce ne serait pas une nouveauté : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9) demande Caïn à Dieu qui lui demande où est son frère Abel: ni responsable, ni coupable. Une attitude qui rappelle celle d’Adam qui se défausse en renvoyant la faute sur Eve (Gn 3, 12) : ni responsable, ni coupable.

Les deux premiers exemples donnés par la Genèse sont assez symptomatiques de l’attitude de l’être humain qui refuse d’être placé face à ses responsabilités.
C’est pourtant ce que Dieu attend de lui en premier lieu en lui assignant comme tâche de cultiver et garder la terre qui lui est confiée. (Gn 2, 15).
Certes, pour définir cette tâche, ce sont également des termes plus violents qui sont utilisés : les verbes soumettre et dominer : « Dieu les bénit (Adam et Eve) et leur dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux. » (Gn 1, 28).

Il est difficile de savoir dans quelle mesure ce texte a servi de caution à une exploitation abusive de la nature. Ce qui est certain, c’est que compris comme tels les termes dominer et soumettre ne rendent pas justice au sens qu’ils ont en hébreu : en effet, que l’on pense à kabash ou à radah, ces verbes sont utilisés pour exprimer la responsabilité du roi sur les peuples qui se trouvent sous sa domination.

Or dans la Bible, quand il est question de royauté, au sens noble du terme, qu’il s’agisse de domination ou de soumission, lorsque le roi est désigné comme maître, c’est à dire celui qui détient l’autorité, ce n’est jamais en abusant de cette autorité mais bien en l’utilisant à bon escient : l’autorité signifie ce qui fait grandir.

Dans les premiers textes de la Genèse, celui qui détient l’autorité est Dieu : Il commande, sépare et crée, certes, mais il fait également grandir l’homme en l’appelant à devenir responsable.

« Ne nous soumets pas à la tentation » prions nous dimanche après dimanche, conscients de la facilité avec laquelle nous refusons de faire face à cette responsabilité devant laquelle Dieu nous place. Que nous ayons pris conscience de nos limites est un premier pas important qui ne suffit pourtant pas. Le Seigneur a d’autres projets pour nous que de nous apitoyer sur notre faiblesse et de demander pardon.
C’est le sens de la sanctification : l’action qui doit suivre toute prise de conscience honnête, une manifestation concrète par des actes qui marquent un changement entre le passé et le présent.

Il est maintenant temps de grandir sous le regard de Dieu: responsables, coupables et gardiens de nos frères et de cette terre.