Nous avons vu que la louange était souvent suivie de la loi. Devant les exigences de l’Évangile, le fidèle est conduit à la lucidité dans la démarche de repentance qui est à tous les étages dans la Bible.

Quel est le résumé de la prédication de Jésus en une phrase ? Le temps est accompli et le règne de Dieu est proche. Repentez-vous et croyez à la bonne nouvelle (Mc 1.15).

Celle du Baptiste qui précède l’annonce du Christ ? Repentez-vous car le règne des cieux s’est approché… Produisez du fruit digne de la repentance… Déjà la cognée est mise à la racine des arbres (Mt 3.2,8,10) .

Et la première prédication des apôtres après le départ de Jésus ? Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ (Ac 2.38).

La repentance est à chaque commencement dans le Nouveau Testament. Avant d’en approfondir le sens, il est bon de vérifier qu’elle n’est pas tombée du ciel et qu’elle s’enracine dans le Premier Testament.

La repentance dans le Premier Testament

Le Premier Testament raconte l’histoire de deux grands criminels : le premier s’appelle Caïn, et le second… David.

Caïn est le premier meurtrier de l’histoire car il n’a pas accepté que son frère ait vu son sacrifice accepté à la différence du sien. Il s’est laissé envahir par la jalousie et déborder par sa violence.

David n’a pas résisté à la vue d’une jolie femme alors qu’il s’ennuyait dans son palais quand son armée était à la guerre. Il l’a fait venir dans son lit et s’est débrouillé pour faire tuer son mari quand elle a annoncé qu’elle attendait un enfant.

Ces deux criminels ont pourtant une place différente dans la mémoire d’Israël car, si Caïn est resté comme le premier fratricide de l’histoire, David est considéré comme un grand roi.

Pourquoi dit-on du premier que c’est un ignoble assassin alors que le second est un modèle de spiritualité ? Cela ne vient pas d’une nature différente de leur faute mais de leur attitude différente lorsqu’elle a été révélée. Lorsque Dieu est allé voir Caïn pour lui demander ce qu’il avait fait, il a répondu : Suis-je le gardien de mon frère ? (Gn 4.9).Avec David, Dieu a envoyé son prophète Nathan qui lui a raconté une histoire : Un riche avait de grands troupeaux et un pauvre n’avait qu’une brebis qu’il chérissait tendrement. Lorsqu’un ami est venu visiter le riche, il a préféré prendre la brebis du pauvre plutôt qu’une de son troupeau. En colère, David a demandé qui avait fait cela car il devait être puni. Lorsque Nathan a donné la clef de la parabole : Cet homme, c’est toi, David a répondu : J’ai péché contre l’Éternel (2 S 12.1-13).

La différence entre Caïn et David tient en une phrase, une seule petite phrase : Suis-je le gardien de mon frère ? et : J’ai péché contre l’Éternel. Caïn a été l’homme de l’arrogance et David celui de la repentance.

Dans la pensée biblique, la repentance va plus loin que la simple confession des péchés, elle s’accompagne de la conversion de toute la personne. La différence entre la repentance et l’excuse est que l’excuse dit : « Pardonne-moi car je regrette ce que j’ai fait » alors que la repentance dit : « Pardonne-moi car je regrette ce que j’ai fait… et je change de comportement. » Dans le vocabulaire biblique, le mot repentance induit la conversion et le changement radical.

La repentance dans le Nouveau Testament

Nous avons vu dans l’article précédent qu’une des façons de susciter la repentance était l’annonce de la loi dans toute son exigence. Nous retrouvons cette attitude dans la bouche du Baptiste qui appelle à la repentance parce que le temps de Dieu est arrivé et que le Jour du jugement est proche.

Jésus a une inflexion différente dans sa compréhension de la proximité du Royaume. Dans sa bouche, on peut entendre : « Repentez-vous parce que la grâce est là ! » La repentance ne vient pas de la perspective du jugement mais de l’annonce de la grâce. Nous en trouvons une belle illustration dans le récit de la vocation de Pierre. Alors qu’il s’est assis dans une barque de pêcheur pour parler à la foule, Jésus demande à Pierre d’avancer en eau profonde et de jeter encore une fois son filet. Même si Jésus, en tant que charpentier, n’a pas une compétence reconnue dans le domaine de la pêche, Pierre obéit et jette son filet qui accroche un banc de poissons. Il commence à relever son filet mais ce dernier est de plus en plus lourd. Il appelle une autre barque pour venir l’aider. Le texte dit qu’il y avait tant de poissons que les bateaux s’enfonçaient dans le lac. On imagine les cris, la joie, l’étonnement, l’exaltation, lorsque tout à coup Pierre s’arrête… et se prosterne aux pieds de Jésus : Seigneur, éloigne-toi de moi : je suis un homme pécheur (Lc 5.8). Pierre n’est pas devenu disciple par peur du jugement de Dieu, mais le jour où il a entendu que la grâce était première dans son histoire.

Depuis ce jour, son histoire avec ses sommets et ses chutes a été une tentative de mieux vivre de cette grâce.

Comment se repentir

Dans le cadre de nos liturgies, le temps de la repentance va bien au-delà du simple fait de demander pardon pour les petites bêtises que nous avons faites, c’est une occasion de nous tourner vers Dieu, de revisiter notre histoire à la lumière de l’Évangile, de recommencer notre conversion.

Un Père du désert a fait la comparaison suivante : « Lorsqu’on cache les yeux d’un bœuf ou d’un âne, on peut le faire marcher en rond pour entraîner la roue d’un moulin. Mais si on laisse son regard dévoilé, il refuse de tourner autour de la meule. Il en est de même du démon avec l’homme. S’il se débrouille pour obscurcir son regard, il l’entraîne dans tous les péchés du monde. Mais si les yeux de l’homme restent ouverts, il peut facilement échapper aux pièges qui lui sont tendus. »

La repentance est un exercice de lucidité. Il y a de multiples manières de rentrer dans la repentance, l’une d’entre elles consiste tout simplement à reprendre les trois premières questions que Dieu pose à l’humain dans le livre de la Genèse.

  • Dieu a demandé à Adam : Où es-tu ? (Gn 3.9).
  • Dieu a dit à Ève : Pourquoi as-tu fait cela ? (Gn 3.13)
  • Dieu a interrogé Caïn : Qu’as-tu fait de ton frère ? (Gn 4.10)

Ces trois questions sont toutes simples et Dieu ne cesse de nous les poser. Nous pouvons les reprendre.

  • Où es-tu, où en es-tu dans ta vie, dans ton histoire, dans ta marche, dans ta vocation, dans ta foi ?
  • Pourquoi as-tu fait cela ? Pourquoi fais-tu ce que tu fais, vis-tu comme tu vis ? Es-tu capable de rendre compte de ton attitude et de tes gestes ?
  • Qu’as-tu fait de ton frère ? Dieu t’a confié les prochains qui t’entourent, tes proches, tes voisins, tes collaborateurs… qu’en as-tu fait ?

Celui qui est parfaitement au clair face à ces trois questions n’a pas besoin de repentance. Moi, j’ai besoin de me repentir.