Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), le sport est « une activité physique, le plus souvent en plein air et nécessitant généralement un entraînement, qui s’exerce sous forme de jeu ou de compétition, suivant des règles déterminées ». Le terme « sport » est récent en français (XIXe siècle) et il a été emprunté à l’anglais qui l’utilise depuis le XIVe siècle. Il est donc absent des écrits bibliques, comme des autres écrits antiques, où il sera plutôt question d’exercices corporels. Néanmoins, la pratique du sport est ancienne et elle joue même un rôle majeur dans la civilisation grecque, puis gréco-romaine. Ses finalités sont diverses : militaires, ludiques – notamment avec les compétitions, comme les jeux du cirque dans l’Empire romain –, religieuses – comme c’est le cas des jeux panhelléniques se déroulant tous les quatre ans dans le sanctuaire d’Olympie depuis le VIIIe av. J.-C. jusqu’à leur interdiction en 394-393 ap. J.-C. – et médicales.

Quand on parcourt les écrits bibliques, la question des exercices physiques apparaît bien peu. Des versets qui sont parfois considérés comme faisant allusion au sport (Josué 1.9 ou 1 Jean 5.4) ne paraissent pas devoir être in- terprétés en ce sens : la notion de victoire et l’idée d’être fort et courageux peuvent faire allusion à de nombreuses activités (comme le combat militaire). Les passages expli- cites sont donc rares, mais il y en a et il est intéressant de noter que la plupart se trouvent dans les écrits du Nou- veau Testament, en particulier dans les lettres.

Des références bibliques éparses

Le motif de la course est utilisé pour évoquer la vie de l’être humain en général (Colossiens 2.18) et surtout du disciple du Christ (Galates 5.7 ou Hébreux 12.1). Dans 1 Corinthiens 9.24-27, Paul développe la comparaison en incluant la boxe. L’analogie permet aux auteurs de ces passages d’affirmer que, comme l’athlète, quelle que soit sa discipline sportive, le disciple du Christ a un but vers lequel il tend – sinon il erre (voir 1 Corinthiens 9.26) –, vise un prix à obtenir, doit suivre des règles (2 Timothée 2.5) et développer des qualités telles que la persévérance et l’endurance face aux difficultés et épreuves. Ces qualités sont au centre de plusieurs autres passages (Jacques 1.12 ou Romains 5.4).

Une comparaison équivalente entre la vie d’un adepte d’un groupe et l’athlète n’est pas particulière à ces écrits.

Elle est aussi présente dans des textes provenant d’autres groupes philosophico-religieux contemporains ou postérieurs (comme le Corpus hermeticum IV, où il est question de l’intellect comme prix à acquérir pour les êtres humains). À l’arrière-plan, la comparai- son suppose toute une préparation du disciple, qui doit être à la fois mentale et physique, en vue de modeler son corps en fonction de l’objectif. Il y a toutefois une différence fondamentale, qui concerne l’objectif et le prix visé : dans un cas, ce dernier est périssable, qu’il soit le gain financier ou la gloire mondaine ; dans l’autre, il est impérissable, la vie éternelle. Il en découle que, si l’athlète ou le compétiteur qui gagne est sûr d’obtenir le prix, il n’en va pas forcément de même du disciple en Christ. Ainsi Paul, à son propre sujet, refuse d’affirmer qu’il est certain d’avoir remporté le prix, c’est-à-dire d’être par- fait (Philippiens 3.12-14) ; cela reviendrait à faire preuve d’orgueil.

Plus qu’une métamorphose

L’analogie entre l’athlète et la vie du disciple en Christ n’est cependant pas qu’une métaphore : le disciple est en effet amené à répandre le message du Christ, ce qui implique à l’époque, certes pas forcément de courir au sens propre, mais en tout cas de marcher beaucoup. La conséquence est que le disciple doit prendre suffisam- ment soin de son corps et le préparer convenablement afin d’être apte à pour- suivre son objectif. Cela rejoint des conceptions médicales sur les exercices physiques qui étaient communes à l’époque.

Déjà Hippocrate (460-377 av. J.-C.) recommandait l’exercice physique pour la bonne santé, tout en bannissant les excès et, quelques années après Paul, le poète satirique romain Juvénal déclarait dans une formule qui deviendra pro- verbiale : « un esprit sain dans un corps sain » (Satires 10, 346-366).

Il ne faut donc pas négliger le corps, mais le maintenir à sa juste place, c’est- à-dire au service du but fixé au disciple du Christ. D’où la parole que l’on peut lire en 1 Timothée 4.8 : « L’exercice corporel est utile à peu de choses, tandis que la piété l’est à beaucoup de choses, ayant la promesse de la vie, celle de maintenant et celle à venir. » Il s’agit d’éviter de mettre le corps au centre de ses préoccupations et de se laisser emporter par la vanité individuelle, autre motif présent dans plusieurs écrits bibliques (Proverbes 31.30 ou 1 Pierre 3.3-4) et également commun dans plusieurs courants philosophiques et religieux de l’époque. Nous avons lu que suivre Jésus est une course. Prenons cela au pied de la lettre : courons, faisons du sport, individuel ou collectif, pratiquons des arts martiaux, etc.

Par Anna van den Kerchove, enseignante- chercheure à l’institut protestant de théologie à Paris