Quel peut-être l’espérance chrétienne quand la terre brûle ?

« La crise écologique constitue évidemment un défi profond pour la suite de notre coopération en tant qu’êtres humains, mais je me méfie de certains arguments que l’on pourrait qualifier de survivalistes et qui sont parfois évoqués comme réponse à apporter aux dérèglements climatiques. Savoir que notre survie, parce qu’elle est menacée, savons tous les kits a traité durement certaines catégories de personnes, mais notre survie par nature est toujours menacée. La question est davantage de savoir comment bien vivre dans un monde dangereux.

Comme le disait le pape François dans son encyclique si nous faisons face à un problème intégral. Il ne s’agit pas seulement de la terre mais bien du système que les êtres humains ont mis en place. Quand on affirme que le coupable est l’anthropocentrisme, ce que l’historien Lynn White avance dans son célèbre article, il circule, et le pape François reprend cela. C’est dans l’ensemble probablement vrai, mais la limite de cette analyse est qu’elle s’appuie sur une idée trop large de l’homme et de l’humanité. Or, il y a une énorme différence entre la responsabilité d’un actionnaire du Nord global et celle de quelqu’un qui travaille dans une usine en Thaïlande sans gagnant 50 cents de l’heure.

En ce sens, je pense que Karl Marx a raison. J’ai d’ailleurs écrit un texte à ce sujet en anglais. Dans sa critique du fétichisme de la marchandise, quand on prête aux marchandises une valeur intrinsèque déconnectée de leur production, on en vient à oublier qu’elles sont le fruit du travail, qu’elles ont été fabriquées par des hommes et des femmes. On retrouve une idée semblable dans les psaumes, où le peuple crée des idoles qui peu à peu pèsent de Rio au détriment des humains eux-mêmes. Ils ont des yeux mais ne peuvent pas voir, des oreilles mais ne peuvent pas entendre, et ainsi de suite. La Bible a donc souligné cela bien avant Marx. »

La nécessité de réinventer notre système

« L’une des raisons pour lesquelles j’évoque Marx, c’est que la plupart d’entre nous pensent que nous pourrons sortir de cette crise en éteignant l’interrupteur, quittant la pièce, alors que cela implique en réalité de repenser de manière beaucoup plus fondamentale tout notre système politique et économique. Et cela implique des sacrifices et quelque chose de l’ordre de la subsistance digne dont parle Ivan Illich, une façon différente de penser. Il parles de la façon dont nous utilisions les outils, mais maintenant, depuis le milieu du XXe siècle, nous avons même commencé à devenir des outils. Nous sommes entrés dans l’ère des systèmes, et au lieu d’être aux commandes, nous sommes maintenant sous l’emprise de ces vastes systèmes sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. Et cela nécessite vraiment de repenser fondamentalement notre relation avec les autres êtres humains, avec la terre et avec Dieu, dans une sorte de vision sacramentelle du monde, qui devrait être bien plus profonde que ce que beaucoup de personnes pensent encore aujourd’hui.

Mais cela peut être fait, et c’est ce que le pape François essaie de dire. Il nous faudra une conversion du cœur, une conversion à Dieu. Nous ne pourrons pas nous en sortir par la technologie seule ou en imposant d’en haut des régimes d’austérité aux populations. Il nous faut changer fondamentalement la façon dont nous dépensons notre lien à la terre et aux autres. »

Coproduction : Fondation Bersier – Regards protestants / Réforme – reforme.net
Cette vidéo est une rediffusion du 4 juillet 2022.

Pour aller plus loin :
Théologie et politique : entretien avec Stanley Hauerwas et William T. Cavanaugh – Réforme : https://www.reforme.net/theologie/2022/06/01/stanley-hauerwas-william-t-cavanaugh-le-nationalisme-est-un-refuge-pour-beaucoup-de-chretiens/