Selon les calculs effectués par la banque UBS et relayés par The Economist, 53 personnes sont devenues milliardaires (en dollars) en 2023 par héritage, pour 84 qui le sont devenues en travaillant. En France, les héritages annuels, exprimés en pourcentage du PIB, ont doublé depuis 1960. En Allemagne, ils ont triplé depuis 1970. Ils atteignent aujourd’hui le montant jamais vu de 15 % du PIB en Italie. Les causes de cette explosion sont bien connues, à commencer par l’envolée sans contrôle du prix des logements dans les grandes métropoles et les performances fantastiques des marchés financiers.
Nous vivons désormais une véritable héritocratie, dans la mesure où elle concerne non seulement les ultra-riches mais aussi beaucoup des classes possédantes. Cette situation n’est pas sans dommages économiques car elle aboutit à la constitution d’une nouvelle classe de rentiers, adversaires du risque, de l’entrepreneuriat et farouchement attachés au conservatisme. Bien plus, cette héritocratie démotive ceux qu’elle ne concerne pas, car elle rend de plus en plus difficile à atteindre l’aisance matérielle à laquelle aspirent légitimement les jeunes ambitieux et travailleurs.
SI l’héritocratie est l’ennemie de la méritocratie, elle est aussi et surtout l’ennemie de la morale par l’enrichissement sans effort qu’elle occasionne. Elle doit nous interpeller plus particulièrement, nous les protestants, par l’inversion des valeurs qui sont les nôtres : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (Genèse 3:19) et « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Thessaloniciens 3:10).
Georges Casenave, chef d’entreprise, pour « L’œil de Réforme »