Dimanche 10 septembre avait lieu la journée mondiale de prévention du suicide. Vendredi 8 septembre, la ville de Boulogne-Billancourt inaugurait une exposition photo rétrospective en plein-air, sur les grilles du parc Léon-Blum, consacrée à Christophe Dominici. Un hommage à l’ancien ailier du XV de France, à l’occasion de la Coupe du monde de rugby en France.

Aucun lien apparemment entre ces deux événements concomitants. Encore que… Christophe Dominici, joueur charismatique à la vie apparemment idéale a perdu la vie le 24 novembre 2020 à l’âge de 48 ans, après une chute mortelle au parc de Saint-Cloud. Son corps sans vie a été retrouvé sans qu’il ait pu être établi jusqu’à présent comme il était tombé. Suicide, accident malheureux ? Quoi qu’il en soit, son entourage rapportait qu’il était depuis quelque temps déjà dans un état dépressif qui avait justifié une brève hospitalisation. Non, ça n’arrive pas qu’aux autres.

L’envie d’en finir

Chaque année en France, 200 000 personnes tentent de se suicider. 10 000 y parviennent, soit une mort par suicide toutes les heures. Pour offrir une ordre de comparaison, c’est trois fois plus que les décès causés par les accidents de la route, qui donnent pourtant lieu à de nombreuses campagnes de prévention. Mais les clichés et les tabous ont encore la vie dure. Mort « honteuse », encore réprouvée par certaines religions, le suicide met mal à l’aise.

Les confinements ont confronté certaines personnes à une solitude insupportable. Les événements mondiaux qui ont suivi ont ravivé des sources de peurs parfois irrationnelles, et la dépression s’est emparée de personnes qui allaient jusque-là très bien, sans que leur entourage ne s’inquiète trop de cette tristesse qui dure. Parfois s’est ajoutée une consommation au-delà du raisonnable d’alcool ou autres substances plus ou moins licites, pour se sentir mieux, mais qui ne fait qu’aggraver la problématique. C’est ainsi que Monsieur ou Madame-Tout-le-monde bascule un jour. Souvent un jour comme un autre. Un tiers des décès par suicide concernes les 25-54 ans.

Des conditions de vie équilibrées, un entourage proche, un niveau de vie suffisant ne sont pas des antidotes au risque suicidaire. La dépression est souvent en cause, surtout si elle s’est installée de manière insidieuse, chez un sujet qui prend énormément sur lui pour donner le change.

On remarque à peine quelqu’un qui parle moins, ou se fait soudain plus discret. A ce titre, la mini-fiction « Et toi, ça va ? », tournée par la fondation Pierre Denicker, façon « Bref », est un bon reflet de ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui sombre et pense au pire pour s’en sortir, alors que c’est « un mec qui a tout pour être heureux ».

Car pour toute personne qui veut en finir, ça n’est pas tant la vie qu’elle veut quitter que la souffrance psychique qui la dévore. La mort n’est conçue que comme une issue exclusive et rapide – d’où les passages à l’acte parfois rapides.

Que faire ?

Face à quelqu’un qui change ou pour qui on s’inquiète, l’entourage est souvent très démuni. Que faire, que dire ? J’ai déjà parlé de l’intérêt de la formation au secourisme en santé mentale. Elle donne des bases pour se positionner et être en soutien, sans s’épuiser soi-même.

Un mot d’ordre émerge : il faut parler des pensées suicidaires. Les évoquer n’accélère pas le risque, au contraire, cela participe à le soulager. L’objectif est de conduire la personne souffrante à aller vers l’accompagnement qui va l’aider à aller mieux.

Autre consigne incontournable : le suicide ne peut jamais rester un secret. Face à toute personne qui vous confierait son envie d’en finir en ajoutant « qu’il ne faut en parler à personne », refusez absolument d’entrer dans ce pacte. L’urgence est l’aide, pas le qu’en-dira-t-on, y compris au prétexte de la liberté de chacun à disposer de sa vie. Quelqu’un qui pense au suicide ne réfléchit pas par lui-même, c’est l’état dépressif qui guide ses actes. Il est piégé et doit être aidé prioritairement.

Attention, enfin, au moment où tout semble aller mieux. L’entourage se rassure sur ce changement positif, alors qu’il peut être dicté par la décision de la personne de passer à l’acte, celle-ci lui procurant un sentiment de soulagement et de bien-être.

Si on a un doute, si on se questionne ou si on cherche de l’aide, on peut contacter le numéro national de prévention du suicide, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, le 3114. A l’autre bout du fil, des professionnels peuvent conseiller l’entourage, mais aussi faire intervenir les services d’urgence en cas de nécessité. Il ne faut jamais hésiter.

Pour aller plus loin :

Infosuicide.org
VigilanS, le dispositif de suivi des personnes qui ont fait une tentative de suicide
UNPS, l’union nationale de prévention du suicide propose des outils de prévention pour l’entourage