Comment je suis devenue secouriste en santé mentale

Vous connaissez le brevet de secouriste en santé physique ? Mais savez-vous qu’il existe désormais l’équivalent pour la santé mentale ?

L’idée est venue d’Australie. Au début des années 2000, Betty Kitchener, une éducatrice ayant souffert de troubles psychiques sévères, et Tony Jorm, un professeur de médecine, imaginent ce programme généraliste de formation, sensibilisation et assistance en santé mentale, ouvert à tous les citoyens.
Leur intention et de transmettre des informations solides et utiles à tout individu capable de porter assistance à autrui, tout en participant à la déstigmatisation des troubles psychiques. Car s’il est encore difficile de confier qu’on souffre d’une dépression, que dire des personnes qui vivent avec des troubles bipolaires – ou une schizophrénie ? Et comment soutenir quelqu’un qui manifeste une anxiété quasi constante, déclenche une attaque de panique ou exprime des intentions suicidaires ?

Ce programme basé sur des informations scientifiquement validées a été adapté en France en 2019, avec le soutien d’associations de médecins, de patients, de familles… regroupés dans l’association Premiers Secours en Santé Mentale France (PSSM).

Pourquoi devenir secouriste ?

Exerçant un métier lié à l’accompagnement humain – je suis sophrologue depuis 20 ans – j’ai moi-même constaté la difficulté de certains de mes clients/patients à accéder à une prise en charge médicale, voire psychiatrique, quand c’était nécessaire. Parfois même, ils ont du mal à en accepter l’idée. Les préjugés ont encore la vie dure ! Pourtant, 1 Français sur 5 est touché chaque année par un trouble psychique, soit 13 millions de personnes. Et force est de constater que la crise sanitaire qui a débuté en 2020 s’est matérialisée pour certaines personnes par une fragilisation de leur santé mentale.

Je me suis retrouvée souvent en situation de soutenir ou aider, au-delà de ma pratique professionnelle, sans toujours savoir quoi faire exactement. Il devenait urgent d’acquérir cette nouvelle compétence.

Le brevet de secouriste est ouvert à tous, mais je trouve qu’il devrait être obligatoire pour tout professionnel en contact avec du public.

Dans le monde du travail, on pense naturellement aux responsables des ressources humaines, les médecins, psychologues ou infirmiers du travail, les représentants du personnel… A l’école, au collège, au lycée ou à l’université, des enseignants peuvent se trouver confrontés à des élèves en difficulté avec leur santé mentale. Idem pour les autres professionnels qui les encadrent : surveillants, conseillers d’orientation, responsable du CDI, infirmière… Et dans la vie quotidienne, on peut être commerçant, comptable ou standardiste et recevoir des confidences ou être témoins de situations inquiétantes et être en capacité de soutenir et conseiller.

Un brevet sur deux jours

Pour passer son brevet, il faut avoir 18 ans et trouver une session auprès de PSSM France. Le brevet se déroule sur 14 heures, soit deux jours de formation consécutifs ou espacés de une à deux semaines. Il permet d’envisager les troubles psychiques les plus importants, pour assister rapidement en cas de crise, et accompagner et soutenir lorsqu’il s’agit de troubles plus chroniques. Un acronyme mnémotechnique a été créé pour définir les étapes de cette aide : AERER, pour approcher/écouter/réconforter/encourager/ renseigner. Mais je n’en dis pas plus, pour ne pas déflorer le contenu…

A aucun moment il ne s’agit d’établir un diagnostic, ni même de soigner soi-même ou de se substituer à un quelconque professionnel. Le brevet permet de reconnaître les signes et symptômes des principaux troubles de la santé mentale, d’alerter ou d’adopter le bon discours et la juste posture pour aider la personne et l’amener à se faire aider. Très interactive, la formation propose des mises en situation et des jeux de rôle, pour se rapprocher de la réalité et – aspect très important – sans se mettre en difficulté soi-même.

J’ai passé mon brevet l’année dernière, avec 15 autres personnes venant d’horizons différents : enseignant, fonctionnaire territorial, éducatrice spécialisée, assistante sociale ou « simple » citoyen engagé.

Nous avons tous beaucoup appris et beaucoup partagé. Je suis ressortie de cette expérience avec un sentiment d’engagement accru sur le sujet de la santé mentale, mais surtout des outils opérationnels. Au-delà des apprentissages de la formation, reprises dans le Manuel des premiers secours en santé mentale, chaque secouriste peut s’inscrire à la plateforme de PSSM France, pour continuer à avoir accès aux  informations les plus récentes et rejoindre la communauté des 50 000 personnes déjà formées.

Et après ?

J’ai toujours eu un tempérament à soutenir les autres, à trouver des bonnes adresses ou des conseils. De ce point de vue, ça n’a pas beaucoup changé, et le brevet a plutôt conforté mes acquis, tout en me donnant des pistes solides. Mais il y a un mois, une de mes clientes s’est écroulée en sanglots dans mon cabinet, confiant des idées suicidaires. Quel soulagement cela a été, d’abord pour moi, de savoir quoi faire, mais surtout de l’aider au plus vite. Aujourd’hui, elle est suivie par des professionnels et va déjà beaucoup mieux.

Bon, comme je ne fais jamais les choses à moitié, j’ai ressenti aussi la nécessité de me former pour former les autres. J’ai rejoint la cohorte des formateurs accrédités, pour faire à mon tour passer ce brevet, afin qu’il aide d’autres comme il m’a déjà aidée. La santé mentale n’est pas un sujet à part, elle nous concerne tous.

Pour aller plus loin :

– Le site de PSSM France : www.pssmfrance.fr

– La vidéo de témoignages tournée sur la session à laquelle j’ai participé.