Un documentaire d’une grande bienveillance et de tendresse d’où l’on sort le cœur paisible depuis le 20 juin sur les écrans de cinéma.

À Jericó, petit village en Colombie, des femmes d’âges et de conditions sociales différentes évoquent les joies et les peines de leur existence, tour à tour frondeuses, nostalgiques, pudiques et impudiques. Leurs histoires se dévoilent l’une après l’autre, ainsi que leur espace intérieur, leur humour et leur sagesse. Un feu d’artifices de paroles, de musique et d’humanité.

Immersion donc, d’une certaine façon à la « Strip Tease » (le magazine tv), mais avec une vraie touche artistique et un travail soigné de documentaire, dans la vie de huit femmes colombiennes de Jericó, village des ancêtres du père de la réalisatrice, village où a vécu aussi sa très aimée grand-tante, Ruth Mesa.

Les murailles qui tombent ici sont celles de ce qui nous sépare de ses femmes, car en quelques secondes à peine, le spectateur se retrouve au cœur de leurs histoires, de leurs doutes, questionnements, espérances, joies et peines… et de leurs croyances.

Car on croit beaucoup à Jericó !

Une ferveur mystique imprègne plusieurs d’entre-elles. Simples superstitions sans doute parfois mais vraie foi également souvent… à leurs façons. Le documentaire ne pose aucun regard jugeant ou complaisant… la caméra de Catalina Mesa observe et nous offre des moments riches et touchants. À Jerico, on progresse à pas lents guidé par des choses simples de la vie, au rythme de la nature, marqué par des rires d’enfants ou la conversation avec son voisin au détour d’une rue.

Car à Jericó, on parle aussi beaucoup… on échange, on discute, on n’est pas toujours d’accord et on peut même aller jusqu’à se fâcher avec Dieu et ses « saints ».

Ainsi, au cœur de ce documentaire, c’est la parole de femmes qui jaillit avec éclat. Parole qui n’est pas assez souvent écoutée, porteuse pourtant d’une véritable conscience de la mémoire. Catalina Mesa explique qu’elle voulait montrer le quotidien de ces femmes, et surtout le fait qu’il est habité de joie, de musique, d’humour. De leurs peines aussi, elles ne sont pas occultées. « Ces femmes sont les dépositaires de la mémoire de ces lieux, donc autant de la douleur que de l’humour, de la tendresse que de la dureté du travail, des épreuves de la vie. Mais il est vrai qu’il n’y a pas de victimisation. Lorsque l’une d’elles raconte la disparition de son fils enlevé par un groupe armé, elle le fait en jouant aux cartes, comme “en passant”, alors que son émotion demeure toujours aussi forte. »

Et à Jericó, c’est aussi la vie en couleurs et en poésie…

Et tout cela rayonne dans ses images et dans sa magnifique BO joyeuse et, elle aussi, colorée. Catalina l’explique d’ailleurs très bien dans une interview : « le film commence avec ce poème d’Oliva Sosa : « Este mi noble Jericó es bonito, enclavado en el sol de la montaña, el monte azul rozando el infinito y el infinito entrando en la cabana » (« Ma noble Jericó est belle, nichée au soleil de la montagne, la montagne bleue écrase l’infini et l’infini entre dans la chaumière »). Dans la poésie de Jericó, que j’ai beaucoup lus, il y a plein de poèmes comme ça. Cette rencontre entre le ciel et la terre, c’est très spirituel, ça vient de la religion aussi, mais même en dehors de la religion, dans la poésie on retrouve cette sorte d’élan de Jericó qui rencontre le ciel. C’est comme ça que c’est dit dans la poésie. La poésie de Jericó, c’est un peu comme une boîte de macarons, on en mange un tout petit peu et c’est délicieux, mais après on ne peut plus s’arrêter et on est… gavés. Parce que c’est une poésie romantique du début du siècle… Mais c’est vrai qu’il y a beaucoup d’appels à l’infini, ou à la transcendance. C’est pour ça que le film commence avec le ciel, et le soleil est omniprésent. J’ai essayé de faire figurer cette rencontre avec la lumière à travers la maison, ce moment où cet infini rencontre le morceau plus petit de la fenêtre. »

Alors, un conseil pour conclure… Scrutez bien la programmation des salles proches de chez-vous… et faites-vous du bien en allant voir Jericó, le vol infini des jours !