Dans le dernier discours de Jésus à ses disciples, il leur a dit qu’il était préférable pour eux qu’il s’en aille[1]. Cette parole a dû être inaudible pour les apôtres, d’autant que, lorsque Jésus parle de son départ, il n’évoque pas un voyage d’agrément, mais la croix. En quoi sa mort peut-elle être un avantage ? Jésus répond qu’elle est la condition du don de l’Esprit qui conduira les disciples dans toute la vérité.

La suite du Nouveau Testament confirme la parole de Jésus. Les disciples ont reçu l’Esprit ; ils ont été conduits à se lever et ils sont devenus des témoins de l’Évangile, en sachant qu’en grec le mot témoin se dit aussi martyr. Revenons au récit des Actes des Apôtres[2].

Le don de l’Esprit

Les apôtres sont à Jérusalem. Ils sont bousculés par un fort vent. Ils se mettent à parler à la foule et les habitants de différents pays entendent leurs paroles chacun dans sa propre langue. Il y a eu miracle de la communication ce jour-là, mais où se situe le miracle ? Dans les schémas de communication, il y a l’émetteur d’un message et le récepteur. Soit le miracle a eu lieu du côté de l’émetteur et les apôtres ont parlé plusieurs langues à la fois, ce qui est difficile à imaginer ; soit le miracle a eu lieu dans l’écoute des auditeurs qui ont chacun entendu la prédication des apôtres dans leur langue maternelle.

Pour prolonger cette seconde piste, nous pouvons nous demander ce qu’est une langue maternelle. Étymologiquement, pour un humain, c’est la langue que parlait sa maman, la langue qui l’a fait venir à la parole, la langue de sa vérité intime, de son être profond. La langue maternelle n’est pas qu’une langue conceptuelle qui articule un vocabulaire et une grammaire pour donner un sens, c’est d’abord la langue qui l’a bercé lorsqu’il était enfant, la langue par laquelle il a appris à nommer son environnement et à penser.

Les psychologues qui étudient les phénomènes de migration observent que, lorsqu’une personne émigre dans un pays parlant une autre langue, elle commence par parler la langue du nouveau pays, puis elle pense dans cette langue, ensuite elle rêve dans cette langue. La dernière chose qu’elle fait est de prier dans la nouvelle langue ! La langue maternelle est la langue de la prière.

Le vrai miracle de la Pentecôte n’est pas tant que des langues se soient croisées, mais que, sur une simple prédication disant que le Messie qu’Israël attendait était Jésus de Nazareth, trois mille personnes se soient converties[3]. Trois mille personnes ont entendu, derrière le discours de Pierre, une parole qui s’adressait à leur intimité, une parole qui a parlé leur langue maternelle.

Le souffle et le vent

Le mot que l’on traduit par Esprit veut aussi dire le vent, le souffle, la respiration. Le propre du vent est qu’on ne peut pas l’enfermer. Si un homme sort par un jour de grand vent avec une boîte, qu’il l’ouvre face au vent, puis la referme promptement pour emprisonner le vent, lorsqu’il rendre chez lui et qu’il ouvre la boîte… il ne se passera rien ! Le vent ne se met pas en boîte ni en conserve, il ne peut se thésauriser.

Comment décrire le vent ? On peut dire : « Le vent est ce qui fait chanter les arbres lorsqu’il passe dans les branches. » On peut dire : « Le vent est ce qui fait danser les blés lorsque la moisson est mûre. » On peut dire : « Le vent est ce qui fait avancer le bateau lorsque la voile est gonflée ». Mais quand on dit cela, on ne décrit pas le vent en tant que tel, on décrit l’action du vent dans les branches, sur les blés ou dans les voiles. Si on ne peut décrire le vent, on peut observer ses effets : « Le vent fait chanter, il fait danser, il fait avancer. » C’est ce que Jésus a annoncé à Nicodème : « Le vent souffle où il veut ; tu l’entends, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né de l’Esprit.[4] »

Les effets de l’Esprit

L’Écriture nous invite à ne pas trop chercher à définir l’Esprit, mais à le considérer à partir de ses manifestations.

Les disciples étaient en train de prier dans une chambre haute à Jérusalem quand ils ont été décoiffés par un souffle qui les a bousculés.

Alors qu’ils étaient bien gentiment dans leur coin, ils se sont levés et ont commencé à parler à la foule des pèlerins présents ce jour-là dans la ville sainte.

Alors qu’ils étaient tranquillement rassemblés, ils ont créé la première Église. C’est de ce jour qu’on dit qu’ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, au partage du pain et aux prières.[5]

Alors qu’ils étaient enfermés dans une pièce, ils sont partis en mission dans l’Empire romain et ont commencé à partager la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ malgré l’hostilité et la persécution du monde religieux et politique. Rappelons qu’en moins de trois siècles, ils ont conquis la totalité de l’Empire romain sans verser une seule autre goutte de sang que celles de leurs martyrs.

Qui est l’Esprit ? On peut le définir par ses effets : l’Esprit est celui qui pousse les chrétiens à sortir de leur torpeur pour partager la Bonne Nouvelle de l’Évangile de Jésus-Christ. L’Esprit est celui qui les conduit à vivre l’Église, à partager avec des frères le don de Dieu. L’Esprit est celui qui les pousse à avancer pour être témoin, là où ils sont, du royaume de Dieu. L’Esprit est comme le vent, il fait chanter nos histoires, danser nos vies, gonfler les voiles de notre navire. Même si on ne sait pas très bien le définir, on peut toujours ouvrir les mains, élargir son cœur, hisser sa voile pour lui permettre d’inspirer notre marche à la suite du Christ.

[1] Ac 2.42.

[1] Jn 16.7.

[2] Ac 2.1-11.

[3] Ac 2.41.

[4] Jn 3.8.

[5] Ac 2.42.