Vous avez sans doute remarqué que nous sommes bien plus indulgents avec nos propres incohérences qu’avec celles des autres quand il s’agit de la Torah, nous nous accommodons assez bien de ses nombreuses contradictions, de ces points obscurs et des explications parfois acrobatiques que les sages du Talmud en livre. Nous sommes bien pris, en revanche, à déconsidérer les incohérences des autres textes religieux, à commencer par le Coran. Certains veulent y voir un manifeste antisémite avant l’heure, d’autres mettent en avant son caractère pacifique. Le Coran fait sans cesse l’objet de relectures particulières. Bien sûr, le contexte d’éruption de violence islamique à l’échelle mondiale n’y aide pas, mais une tradition religieuse vieille de plus de 1500 ans et qui compte près de 2 milliards de fidèles, ne peut évidemment se résumer à des formules aussi binaires. Pour affiner cette vision des choses, rien de mieux que de se plonger dans Les Juifs dans le Coran, publié aux éditions Albin Michel. Par le professeur Méir Bar-Asher que nous avons le plaisir de recevoir.

Ruben Honigmann : Bonjour professeur, vous êtes directeur du département de langue et de littérature arabe à l’université hébraïque de Jérusalem. On va commencer par un mot, si vous voulez bien, sur la structure du Coran, parce que quand on est habitué à lire la Torah, on est habitué à une certaine linéarité, à un déroulé plus ou moins chronologique du texte, alors que dans le Coran on a un ordonnancement totalement différent.

Méir Bar-Asher : Oui, le Coran est organisé et classifié de manière vraiment différente de ce que nous connaissons dans la Torah, dans la Bible ou dans le Nouveau Testament, il n’y a pas d’ordre : ni ordre thématique, ni ordre chronologique. Le seul critère qui prévaut c’est le critère de la longueur. Sauf une exception, la sourate al-Fātiḥah, qui est la plus courte mais qui est placée au début du Coran.

Un autre aspect très clair du Coran, ce sont les répétitions. Dans le Coran, quelquefois on trouve le même récit 5, 6 ou 7 fois. 

R. H. : Comment est-ce qu’on explique cet ordonnancement de la sourate la plus longue à la plus courte ? 

M. B.-A. : Ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel. Dans la Mishna elle est plus ou moins arrangée de la même manière.

R. H. : Est-ce peut-être pour privilégier l’apprentissage par cœur ?Méir Bar-Asher : C’est peut-être lié à cela. On avait même pensé que la Mishna était à l’origine de cet ordre, mais nous n’en sommes pas sûr […]

Production : Akadem – akadem.org
Intervenant : Denis Charbit