Les livres prophétiques de la Bible rapportent ce qu’on appelle des prophéties de malheur.

Amos à propos du royaume de Samarie. « J’ai envoyé parmi vous la peste, comme en Égypte, j’ai tué vos jeunes gens par l’épée, j’ai laissé prendre vos chevaux ; j’ai fait monter à vos narines la puanteur de votre camp. » (Am 4.10)

Ésaïe à propos de Jérusalem : « Je réduirai Ariel ; il y aura des plaintes et des gémissements ; et la ville sera pour moi comme un foyer sacrificiel. » (Es 29.2)

Joël à propos du jugement de Dieu. « Car le jour du Seigneur vient, il est proche. Jour de ténèbres et d’obscurité, jour de nuée et d’obscurité épaisse… Devant lui, un feu dévorant ; derrière lui, des flammes brûlantes ; le pays est devant lui comme un jardin d’Éden, et derrière lui c’est un désert, un lieu dévasté ; rien ne lui échappe ! » (Jl 1.2-3)

Les lamentations de Jérémie à propos de la chute de Jérusalem : « Le Seigneur est devenu comme un ennemi ; il a englouti Israël, il a englouti tous ses palais, il a détruit ses forteresses… il a livré à l’ennemi les murailles des palais de Sion. » (Lm 2.5-7)

Je pourrais multiplier les exemples, car ils sont malheureusement nombreux. On peut certes penser que ces récits sont les témoins d’une compréhension archaïque de Dieu et qu’ils n’ont plus rien à nous dire, mais je ne veux pas oublier que la Sola scriptura (l’Écriture seule) s’accompagne de la Tota scriptura (Toute l’Écriture). Ce n’est pas à moi à faire le tri entre les versets que j’aime et ceux que je n’aime pas.

Plutôt que de jeter ces passages à la poubelle, je dois m’interroger sur ce qu’ils peuvent me dire à moi aujourd’hui, surtout en cette période troublée.

La première chose que me rappellent ces textes, c’est que l’histoire est tragique. La Bible ne parle pas d’un monde imaginaire dans lequel tout le monde serait gentil et dans lequel il n’y aurait pas de maladie, mais de notre monde.

Dans le livre des Chroniques, un prophète a demandé à David s’il préférait trois années de famine, trois mois de défaite devant ses ennemis ou trois jours de peste, le roi a répondu : « Je suis dans une grande détresse ! Que je tombe aux mains du Seigneur, car sa compassion est immense ; mais que je ne tombe pas aux mains des hommes ! » (1 Ch 21.13). David préfère être jugé par Dieu que par ses ennemis. Penser que le Seigneur est derrière les catastrophes nous assure au moins que nous ne sommes pas seuls face au tragique, et qu’il nous est permis d’espérer un au-delà de l’épreuve.

La deuxième remarque est la logique des prophéties. Le message des prophètes n’est pas d’annoncer le malheur pour le malheur, mais d’annoncer le malheur afin de susciter un changement de comportement afin que le malheur n’arrive pas. C’est tout le thème du livre de Jonas dans lequel le prophète est envoyé annoncer la destruction de Ninive pour que les Ninivites changent de comportement et que la ville ne soit pas détruite. Ce principe a permis au grand rabbin de Londres Jonathan Sacks d’énoncer le paradoxe de la différence entre un oracle et une prophétie : « Un oracle qui se réalise est un succès, une prophétie qui se réalise est un échec. » L’accomplissement des prophéties de malheur est l’échec du Seigneur !

Le message premier de la Bible n’est pas l’annonce du malheur, mais l’appel au changement de comportement. Puissions-nous l’entendre !