Les origines de l’évangélisme
Comme l’essor du monde évangélique en France date du XXe siècle, on a parfois le sentiment qu’il est d’apparition récente. En fait, il plonge ses racines dans deux mouvements qui ont renouvelé le protestantisme au XVIIe siècle, le baptisme en Angleterre et le piétisme dans les milieux germaniques.
La première communauté baptiste a été fondée en Angleterre au début du XVIIe siècle par une dissidence de l’Église anglicane. S’inscrivant dans la filiation anabaptiste qui refusait le baptême des petits, les premiers fidèles ont trouvé refuge en Hollande où ils ont formé de petites communautés indépendantes. Une des marques de ces Églises est le congrégationalisme qui refuse toute autorité extérieure à l’Église locale. Leur attachement à la liberté de culte les a conduits à faire partie des premiers pèlerins, les Pilgrims fathers, qui ont émigré aux États-Unis. De nos jours le baptisme est la dénomination la plus nombreuse dans ce pays.
Le XVIIe siècle a connu un mouvement voisin en Europe centrale avec le piétisme qui a cherché à cultiver une piété plus authentique au sein des Églises installées. Les fidèles étaient invités à se retrouver en petits groupes autour de la Bible et d’ouvrages de spiritualité en opposition à la théologie officielle jugée trop intellectuelle. Leur livre de base est Pia desidetia de Jacob Spener qui proposent quelques règles de vie simple. Au nom du sacerdoce universel, Spener s’appuyait sur le peuple de l’Église pour répandre l’Évangile dans le monde. Ses partisans ont parfois quitté l’Église officielle pour se réunir en petits cercles de piété, comme les frères moraves.
Les grands principes évangéliques
Le monde évangélique est une mouvance hétéroclite de groupes et d’Églises attachés à leur indépendance. On reconnaît en son sein trois grandes tendances.
- Une tendance orthodoxe ou fondamentaliste qui souligne la nécessité d’une conformité doctrinale assez stricte, notamment de la part des pasteurs. Elle croit en l’inerrance de la Bible – le fait qu’elle ne contient aucune erreur – et en a une lecture littérale.
- Une tendance piétiste qui insiste sur la nécessité d’une conversion personnelle et sur l’engagement du croyant à suivre le Christ dans tous les domaines de sa vie. Les fidèles sont invités à partager leur foi et à répandre la Bonne nouvelle par l’évangélisation.
- Une tendance charismatique qui met l’accent sur les manifestations de l’Esprit qui s’illustre par des signes visibles comme la guérison ou l’expression de dons spirituels dans la vie des croyants et des communautés.
Ces trois pôles constituent un triangle à l’intérieur duquel se situent les Églises évangéliques qui partagent par ailleurs un certain nombre de convictions communes que l’on peut résumer en quatre points.
- L’attachement à la Bible reçue comme parole de Dieu. Révélée aux auteurs humains par le Saint-Esprit, elle fait autorité pour la vie et la foi du croyant. Elle est considérée comme normative sur les plans théologique et pratique.
- Le caractère central de la mort et de la résurrection du Christ qui fonde la foi et qui donne au croyant l’assurance de son salut. Schématiquement, le monde est divisé entre les croyants et les incroyants, ceux qui sont nés de nouveau (les « born again ») et ceux qui ceux dans le monde, les sauvés et les autres.
- L’importance de la conversion et de la nouvelle naissance. On ne naît pas chrétien, on le devient par choix personnel et engagement individuel. Elle s’exprime par le baptême des croyants administré aux personnes capables de confesser publiquement leur foi.
- Le témoignage pour répandre la Bonne nouvelle auprès de ses proches et des lointains, afin que tous les humains puissent avoir accès au salut offert en Jésus-Christ. Les évangéliques consacrent beaucoup de temps et de moyens à l’évangélisation.
Les Églises évangéliques en France et dans le monde
Les évangéliques sont de loin la branche du protestantisme la plus nombreuse en France en terme de force militante. Ils sont regroupés au sein du Cnef, le Conseil national des évangéliques de France, qui a été créé en 2010. Il revendique 2500 lieux de cultes et 650 000 pratiquants. Ils représentent un tiers des protestants français, mais les trois quarts des pratiquants réguliers. Le mouvement est en croissance puisqu’il se crée environ trente-cinq Églises nouvelles par an, soit une tous les dix jours, à l’heure où les Églises traditionnelles sont en régression.
Au niveau mondial, il est difficile de quantifier les évangéliques car ils ressemblent plus une nébuleuse qu’à un mouvement structuré. C’est ainsi qu’on trouve des évangéliques dans les Églises traditionnelles. Comme toutes les traditions chrétiennes, ils sont en forte croissance dans les pays du sud. On estime qu’ils représentent environ un quart des chrétiens dans le monde, beaucoup plus si on ne compte que les pratiquants.
Un tel nombre induit une grande diversité. On trouve aux États-Unis des mouvements évangéliques très conservateurs d’un point de vue politique qui luttent contre la pornographie, l’avortement, l’homosexualité et l’adultère… mais aussi des évangéliques qui s’engagent pour la justice sociale et le soutien aux étrangers, à l’image de Martin Luther King qui était baptiste et qui a mené le combat en faveur des droits civiques.
Bien que fortement attachés à leur congrégationalisme, les évangéliques essayent de se fédérer. Au niveau international, l’Alliance évangélique mondiale regroupe 129 alliances nationales (en France, le Cnef) et revendique 600 millions de fidèles. Le comité de Lausanne pour l’évangélisation du monde est un mouvement mondial qui souhaite mobiliser les dirigeants évangéliques afin de les inviter à collaborer plus étroitement les uns avec les autres.