L’Équipe en a fait sa une. Et pour cause : c’est la première fois que Peng Shuai, victorieuse en double de Roland-Garros, s’exprime dans un média international. Le 2 novembre, elle accusait sur Weibo, un réseau social chinois, un haut dirigeant du Parti communiste chinois de l’avoir violée trois ans auparavant. Mais, quelques minutes après la publication de ce texte, son message disparaissait de la Toile. La championne de tennis disparaissait également des radars, suscitant les vives inquiétudes du monde du tennis et, plus globalement, des instances internationales. La propagande chinoise, par l’intermédiaire de ses médias d’État, l’avait fait réapparaitre via d’étranges vidéos et photos sans convaincre personne.

Tandis que les JO de Pékin ont débuté le 4 février (ils durent jusqu’au 20 février) sur fond de tension entre la Chine et les pays occidentaux sur la question des droits de l’homme, le journal sportif français L’Équipe a pu rencontrer Peng Shuai, dimanche 6 février. Les autorités chinoises, via la Comité olympique chinois, ont posé leurs conditions pour l’entretien, explique l’Équipe. Celui-ci devait durer une demi-heure mais la discussion s’est étalée sur une heure environ, écrit le quotidien sportif. Vêtue d’un survêtement rouge pour soutenir l’équipe de hockey chinoise, Peng Shuai est apparue en bonne forme, note L’Équipe, même si “le masque ne permettait pas de distinguer les traits de son visage”. Le journal précise qu’il n’y a pas eu de relecture des propos de la jeune femme de 36 ans.

Terrifiant

Sur son post du 2 novembre dernier ? “(Il) a donné lieu à un énorme malentendu de la part du monde extérieur. Je souhaite qu’on ne déforme plus le sens de ce post”, explique Peng Shuai. Sur l’agression sexuelle qu’elle aurait subie ? “Agression sexuelle ? Je n’ai jamais dit que quiconque m’avait fait subir une quelconque agression sexuelle”, assure-t-elle. Sur sa disparition ? “Je n’ai jamais disparu, tout le monde a pu me voir.” Pourquoi le post a alors disparu en quelques minutes ? “Je l’ai effacé”, répond-elle fermement. Pourquoi l’avoir effacé, lui demandent les journalistes de l’Équipe. “Pourquoi ? Parce que j’en avais envie”, dit-elle.

Interrogée sur d’éventuels problèmes qu’elle aurait eus avec les autorités chinoises, elle botte en touche : “Je voudrais dire tout d’abord que les sentiments, le sport et la politique sont trois choses bien distinctes. Mes problèmes sentimentaux, ma vie privée, ne doivent pas être mêlés au sport et à la politique. Et le sport ne doit pas être politisé car, lorsque c’est le cas, cela revient la plupart du temps à tourner le dos à l’esprit olympique et cela va à l’encontre de la volonté du monde du sport et des sportifs.

À noter que la discussion a été conduite en chinois, avec un interprète venu de Paris. Au début, elle dit ne pas être capable de lire l’anglais. Pourtant, elle avait accordé plusieurs interviews, par le passé, lors de conférences de presse, dans la langue de Shakespeare. Dans cette interview, où les réponses de Peng Shuai, troubles, n’ont de cesse de coller avec le récit de propagande de Pékin, la joueuse explique également vouloir mettre un terme à sa carrière professionnelle. Bref, tout semble montrer que sa parole est orchestrée, millimétrée et surveillée par le pouvoir chinois. Certes, elle semble ne pas avoir de souci de santé, mais il ne faut pas s’en contenter : le contenu de l’interview et les réponses robotiques et lunaires de Peng Shuai donnent à voir, une nouvelle fois, à quel point le pouvoir du Parti unique est terrifiant.