Ami et collaborateur de Billy Graham, il est connu pour son impact considérable sur le monde latino. Entrepreneur international d’évangélisation, à la tête de la Luis Palau Organisation depuis 1970, il était à la fois évangélique (protestantisme de conversion) et évangéliste (spécialiste de l’annonce du salut). Quel était son rapport avec la France ?

La France et le monde francophone n’ont pas été un territoire de prédilection pour l’évangéliste. D’origine argentine, Luis Palau aurait prêché en personne, au fil de ses grands festivals d’évangélisation, à plus de 25 millions d’individus. Mais c’est principalement dans le monde anglophone, et surtout hispanophone, qu’il a déployé son entreprenariat prosélyte. S’est-il pour autant désintéressé de l’hexagone ? Loin s’en faut. Plusieurs raisons ont motivé l’attention qu’il a parfois portée au contexte français.

« A 25% Français »

La première est la matrice catholique. Proche du pape François, auquel il aurait imposé les mains, Luis Palau connaît bien l’Eglise catholique. Il perçoit les enjeux posés au catholicisme par la sécularisation, notamment en Europe. Ce contexte laisse de nombreuses personnes avec un rattachement hérité au catholicisme, mais dépourvu d’engagement de foi personnel. La seconde raison tient dans les origines familiales de Luis Palau. Sa grand-mère maternelle est née près de Boulogne-sur-Mer, ce qui fait dire à l’évangéliste : « je me sens donc à 25% français. Je suis attaché à ce pays » (1). La troisième raison trouve sa source dans l’évolution du christianisme en France. Jadis « fille aînée de l’Eglise (catholique) », la France a l’image d’un pays fortement sécularisé, déchristianisé : un objectif de choix pour un évangéliste spécialisé dans le défi de présenter l’offre de salut à des foules sans Eglise.

Le fiasco de Bercy

Trois événements particuliers marquent la rencontre entre l’évangéliste Luis Palau et la France. Tous trois s’inscrivent dans l’histoire contemporaine du protestantisme français, sous le sceau d’une « nouvelle donne évangélique » désireuse de rechristianiser le pays par l’évangélisation. Le premier est la « Fête de la jeunesse » en 1985, événement d’évangélisation organisé pour l’île de France par l’Alliance Evangélique de France (AEF) au Parc Floral de Vincennes. Ce jalon ne passe pas inaperçu, mais connaît peu de visibilité, les évangéliques restant alors peu connus, à l’heure où le protestantisme français commémore les 300 ans de la Révocation de l’Edit de Nantes. Il en est autrement en 2009, où Luis Palau est annoncé comme orateur à la Convention de Pentecôte au Palais Omnisport de Bercy, à l’occasion d’un grand événement d’évangélisation organisé par le pasteur français Freddy de Coster. Jean-Pierre Bastian rapporte que cette « concentration évangélique de la Pentecôte 2009 au Palais omnisport de Paris-Bercy a élargi la palette de prédicateurs-vedettes et de faiseurs de miracles » issus du monde latino, et argentin en particulier, avec Carlos Annacondia et Luis Palau, « argentino-américain » (2).

C’est beaucoup dire. L’événement a bien lieu à Paris du 29 mai au 1er juin 2009, Luis Palau apparaissant comme une des grandes têtes d’affiche, mais c’est un demi-échec, voire un fiasco. A peine un quart de l’assistance espérée se rend sur place. L’organisateur a vu bien trop grand, sans mobiliser suffisamment, atteignant les limites des déclarations performatives.  Résultat, les gradins sont quasi vides, seul le terre-plein central où les fidèles se tiennent debout paraît s’animer, devant une estrade où les intervenants s’efforcent laborieusement, malgré tout, de faire bonne figure. Suite à l’échec de cette Convention de Pentecôte 2009, qui s’avéra aussi un gouffre financier, Luis Palau, échaudé, se tient à distance. D’autant que ses principales priorités de ministre hispanophone de l’Evangile sont ailleurs. Alors qu’il dispose d’une notoriété au zénith, d’une expérience rôdée par 40 ans de ministère et d’un immense champ de mission hispanophone et anglophone, pourquoi continuer à regarder vers la France ?

Festival à Marseille en 2011

C’est compter sans l’esprit d’ouverture de l’évangéliste. En septuagénaire fringuant, il reste prêt à de nouveaux défis. C’est ainsi que Luis Palau répond à une troisième invitation française et co-organise, en mobilisant cette fois son organisation, un grand événement d’évangélisation. Elle se déploie à Marseille (Bouches-du-Rhône), du 30 juin au 2 juillet 2011, adossée à une opération plus large, « Une saison pour servir », pilotée en particulier par le pasteur évangélique franco-arménien Gilbert Léonian. Mieux calibré, mieux préparé, le Festival Palau à Marseille rencontre son public, même si la foule n’est pas aussi nombreuse qu’espéré. Sur les plages du Prado, la curiosité et l’intérêt sont palpables.

Les médias locaux relayent l’impact du Festival, tout en s’étonnant que ce qui est surtout annoncé comme un concert Gospel (avec plusieurs groupes prestigieux à l’affiche dont les Palata Singers et la diva Liz McComb) se révèle, en réalité, un événement d’évangélisation. Mais la tonalité générale séduit, d’autant que le Festival Palau à Marseille repose sur une offre triple : l’évangélisation proprement dite, la prestation musicale, mais aussi le service social, sur la base d’actions d’intérêt général en partenariat avec les Eglises locales, sans compter des animations gratuites proposées pour la jeunesse (skateboard, BMX).  Ce Festival Palau à Marseille en 2011, quoique d’échelle plus réduite que la plupart des événements organisés par l’évangéliste, restera comme la vitrine française de ce que le prédicateur latino a déployé, dans le monde, sur l’espace d’un demi-siècle : une offre de salut non-confessionnelle dans le style évangélique, appuyée sur une volonté de servir très concrètement la ville dans laquelle se tient le Festival.

Ces dernières années, atteint par la maladie, Luis Palau avait considérablement ralenti son activité. Mais sans jamais oublier la France : outre la traduction et commercialisation de plusieurs de ses ouvrages en langue française (3), un nouveau projet de Festival, situé à Mulhouse (Haut-Rhin), était dans les cartons. Sans son fondateur, l’avenir dira si l’organisation Palau parvient, comme l’a fait l’organisation Billy Graham, à se réinventer.

 

(1) Luis Palau, interview dans « Luis Palau de retour en France », Croire et Vivre n°77, juin 2009.

(2) Jean-Pierre Bastian, dans Fath et Willaime (dir.), La nouvelle France protestante, essor et recomposition au XXIe siècle, Genève, Labor et Fides, 2011, p.245

(3) Dont Luis Palau, Dieu au centre, Des habitudes à acquérir pour grandir spirituellement (ed. RBC), L’intriguant et le rêveur, Jacob et Joseph (ed. Vida); La promesse de Pierre (ed. Vida), ou Les jeunes et la sexualité (ed. Farel).